Dans son introduction, le Dr Boukris éctit : « Depuis des décennies, la médecine et ses employés utilisent toutes les stratégies pour faire de nous des malades, de préférence des malades chroniques, avec des traitements de très longue durée. On nous invente des maladies pour que chacun d'entre nous soit un malade potentiel [...].
« Ces affirmations peuvent paraître choquantes et excessives. Choquantes, car elles signifient que l'on ne tombe pas malade, mais qu'on le devient, que la maladie serait une construction ou une fabrication destinée à justifier la prescription d'un traitement qui devrait être suivi le plus longtemps possible. Excessives, car elles signifieraient que le marketing médical peut influencer les médecins, créer des maladies et par conséquent augmenter artificiellement le nombre des malades, avec un seul but : inciter à consommer toujours plus de médicaments, de tests biologiques, d'examens divers. En résumé, tout serait fait pour développer la surconsommation médicale et la surmédicalisation.
« Malheureusement, ces affirmations, ces accusations pourrait-on même dire, ne sont pas gratuites : elles s'appuient sur l'expérience, la mienne et celle de nombreux professionnels de la santé [...].
« Ce livre est le fruit de nombreuses années de pratique médicale et d'observation de l'évolution de la médecine. Mon expérience personnelle se nourrit de l'écoute et du vécu de mes malades et elle s'enrichit aussi de mes lectures. [...]

Plus loin dans son introduction, il remarque que le contexte dans lequel s'effectue la mission du médecin est en perpétuel changement et que les médecins d'aujourd'hui se trouvent confrontés à des questions qui ne se posaient pas autrefois, en tout cas pas dans les mêmes termes : « L'éthique médicale universelle est-elle compatible avec les intérêts économiques ? Peut-on introduire des notions financières lorsqu'il s'agit de la souffrance, de la maladie et de la condition humaine ? La santé est-elle devenue un commerce, le médicament un produit comme les autres ? Les cabinets médicaux sont-ils devenus des lieux de négoce, des magasins de la maladie ? Et les médecins sont-ils devenus des négociants de soins ? Ces questions méritent d'être posées. En tout cas, c'est ce que certaines pratiques laissent penser. »

Plusieurs manières de procéder tendent à pousser le développement de l'industrie médico-pharmaceutique : « Dans ce monde médico-industriel, on élargit les limites des pathologies, on médicalise les événements de la vie et nos émotions, on joue sur nos peurs en dramatisant les enjeux de la politique de santé et les risques de maladie pour nous pousser à consommer davantage de médicaments, on effectue des bilans de santé pour dépister la moindre anomalie, qui sera ensuite source d'examens complémentaires et de traitements supplémentaires, on fabrique des maladies pour créer des malades devenus des consommateurs de soins. »

Je laisse évidemment le lecteur suivre le développement proposé par le Dr Boukris pour étayer sa thèse. Mais la fin de sa conclusion m'amènent à la seconde raison qui me pousse à évoquer son ouvrage dans mon blog. Je le cite encore : « Firmes pharmaceutiques, médias, experts médicaux, autorités de santé : chacun contribue à sa façon à accentuer ce conditionnement. Les médecins praticiens, sans en être véritablement conscients, participent à ces manœuvres. Ils sont, à leur insu, les jouets de ce complexe pharmaceutico-industriel. »

Cette seconde raison nous concerne directement puisqu'elle aborde les difficultés que rencontrent les ostéopathes dans l'obtention d'une reconnaissance et d'un statut décent et logique au regard de ce que peut apporter l'ostéopathie au public d'aujourd'hui. Il me semble bien que la raison majeure pour laquelle nous nous heurtons à tant de difficultés, c'est tout simplement parce que nous ne contributons pas à ce système. Mieux, nos activités ne peuvent que nuire à sa prospérité !

Bien évidemment, ce ne sont pas les raisons que l'on nous oppose. On nous parle de compétence, de sécurité des patients (tiens, encore le ressort de la peur !) Mais nous vivons dans une société de l'apparence. Pourvu que l'argumentation présente quelque logique et quelque vérité, elle suffit à justifier l'empêchement à toute évolution positive qui ne va pas « dans le bon sens », celui du système bio-médico-pharmaceutique actuel.

Pourtant, si l'on y regarde d'un peu plus près, cette résistance du système démontre aussi sa faiblesse. En effet, une ostéopathie bien pratiquée (c'est la moindre des choses), au lieu d'aller contre les intérêts des patients, va nettement dans leur sens. Il n'est évidemment pas question pour l'ostéopathie de remplacer la médecine. Pourtant, la majorité des gens qui consultent leur médecin ne sont pas vraiment malades. Ils vivent de l'inconfort et présentent des symptômes le plus souvent anodins pour lesquels le système médical n'a pas vraiment de réponse satisfaisante (le médicament), alors que des soins alternatifs (ostéopathie, homéopathie, acupuncture, chiropraxie, etc.) peuvent apporter des réponses pertinentes et efficaces, sans effets secondaires majeurs.

Et c'est dans ce domaine, n'en déplaise à l'Ordre des médecins, que nous pouvons apporter une aide vraiment utile et efficace auprès du public. D'ailleurs, les mutuelles ne s'y sont pas trompées qui acceptent de plus en plus de rembourser une partie de nos soins. Je ne pense pas que nous ayons affaire là à des philantropes...

Et donc, c'est essentiellement cette carte que nous devons jouer, nous autres praticiens. Tant que nous saurons délivrer des services de qualité, répondant à la demande croissante des gens, qui cherchent désespérément ne serait-ce qu'une écoute bienveillante et une aide sans effets secondaires à craindre, nous aurons notre place dans le système de santé (et non pas de maladie).

Notre démarche vise bien plus à « fabriquer la santé » qu'à exploiter la maladie. Et le public qui a de plus en plus recours à nos soins ne s'y trompe pas. Ne le décevons donc pas. C'est notre garantie de survie.