Le « coyote » fait référence à l’esprit farceur, rusé et enseignant des traditions amérindiennes – un guide qui perturbe les certitudes pour aider à prendre de la distance et ouvrir à d’autres formes de compréhension. La médecine du coyote est une trilogie qui se compose des ouvrages suivants :

— Coyote Medicine (1997) (objet de la présente traduction)
— Coyote Healing : Miracles in Native Medicine (2003)
— Coyote Wisdom : The Power of Story in Healing (2005)
Ces ouvrages explorent le rôle des mythes et du récit thérapeutique comme vecteurs de guérison et transformation.

Présentation

Dans Médecine du Coyote, Lewis Mehl-Madrona raconte son parcours de formation en médecine occidentale et la redécouverte parallèle de ses racines culturelles et spirituelles autochtones. Il traite de ce parcours cherchant à combiner les deux types d’approches et des difficultés rencontrées.

Le livre explore comment la médecine conventionnelle, centrée sur la biologie et la technologie, néglige le plus souvent la dimension spirituelle, émotionnelle et narrative de la guérison. À travers des récits de patients, des histoires personnelles et des enseignements traditionnels, Mehl-Madrona montre comment les pratiques chamaniques et les récits de guérison peuvent compléter la médecine scientifique. Il met en avant :

— L’importance des histoires personnelles dans le processus de guérison.
— Une vision holistique de la santé chez les peuples autochtones (corps, mental, communauté, esprit).
— Les limites d’une approche purement biomédicale.
— La possibilité de réintégrer la sagesse autochtone dans la pratique médicale moderne.

Le livre se situe à la croisée entre mémoires, récits cliniques et réflexion spirituelle. Il invite à repenser la médecine comme un art du soin dépassant la simple technicité pour inclure la narration, la relation humaine et le sacré.

En quoi cet ouvrage peut nous être utile en tant qu’ostéopathe ?

Au début de sa vie d’adulte, Still a longuement fréquenté le monde amérindien. Tout au long de ses écrits, il restera relativement discret à ce propos, notamment parce qu’à cette époque, les amérindiens étaient considérés par le peuple colonisateur comme des « primitifs » particulièrement incultes, cruels et sanguinaires. Dans tous ses écrits il fait une seule allusion précise à sa fréquentation des Indiens Shawnees. C’est dans son Autobiographie.

« En mai 1853 mon épouse et moi déménageâmes pour la mission de Wakarusa, dans le Kansas, occupée par la tribu des Shawnees […] J’appris vite à parler leur langue. » (Still, 2017, 87)

Dans son histoire de l’ostéopathie, Carol Trowbridge évoque le passage de Still chez les Shawnees :

« Andrew, son épouse Mary et leurs deux enfants Marusha et Abraham Price, déménagèrent pour la mission de Wakarusa en mai 1853 [Still a 25 ans]. Mary enseigna à l’école de la mission où étaient inscrits une trentaine d’indiens. Au cours de l’été, Andrew, avec ennui, coupa l’herbe de trente-cinq hectares de prairie dont il retourna ensuite le sol avec un attelage de bœufs. Au cours de l’automne, Andrew aida son père à soigner les Indiens de leurs érysipèles, dysenteries, pneumonies et choléra. Bien qu’il utilisât les médicaments traditionnels de la trousse de son père, Andrew portait grande attention aux traitements médicaux des Indiens et dira plus tard qu’il ne les trouvait pas plus ridicules que les traitements des docteurs en médecine. » (Trowbridge, 2009, 71)

Voilà ce qu’il en dit dans Autobiographie :

« Le traitement des Indiens pour le choléra n’était pas plus ridicule que certains traitements soi-disant scientifiques utilisés par les docteurs en médecine. Les Indiens creusaient deux trous dans le sol, séparés approximative­ ment par soixante-dix centimètres. Le patient reposait étendu entre les deux trous, vomissant dans l’un et se purgeant dans l’autre et mourait ainsi, étendu par terre, une couverture jetée sur lui. […] Comme remèdes ils donnaient à leurs malades des thés fabriqués avec des racines noires, du gombo, sagatee, muckquaw, chenee olachee. C’est ainsi qu’ils les soignaient puis ils mouraient et partaient pour Illinoywa Tapamalaqua, « la mai­son de Dieu. » (Still, 2017, 87)

Nous savons qu’un point essentiel de la philosophie de Still, qu’il a désiré transmettre est la tripartition de l’homme. Il l’exprime très clairement dans Philosophie de l’ostéopathie :

« Après toutes ces explications, nous devons décider que l’homme, lorsqu’il est complet, est trinitaire. En premier, le corps matériel, en second, l’être spirituel, en troisième, un être de pensée de loin supérieur à tous les mouvements vitaux et aux formes matérielles, dont le devoir est de diriger sagement ce grand mécanisme de vie. » (Still, 2003, 49).

Même si ce concept peut être recherché dans d’autres origines, il est fort probable qu’il lui vient, au moins en partie de l’influence de la philosophie amérindienne. Il ne vient certainement pas du monde médical de l’époque (notamment dans le Middle West) qui ignorait totalement les dimensions mentales et spirituelles de l’humain et donc de la maladie (à cette époque, dans le Middle West, la plupart des médecins ne connaissaient même pas l’anatomie).
Still posait indubitablement sur l’humain un « regard indien ». Quasiment jamais exprimé comme tel, notamment à cause du regard particulièrement péjoratif porté par les « blancs » sur les peuplades amérindiennes à cette époque.
Ce concept nous semble essentiel parce qu’il permet d’ouvrir notre regard de praticien à d’autres dimensions que le simple niveau corporel auquel se cantonne trop souvent à l’instar de la médecine, l’enseignement et la pratique de l’ostéopathie.
Notons toutefois que si Still insiste sur la tripartition de l’humain, il ne propose aucun moyen d’utiliser le concept dans une pratique courante.
Même si la manière indienne d’envisager l’univers mental et spirituel et les pratiques qui en découlent décrites par Mehl-Madrona semblent très différentes de celles de notre monde occidental, elles ouvrent le champ des possibles quant à la manière d’aborder ces dimensions essentielles de l’humain.
Et si, comme en approche tissulaire, nous développons l’idée que tout est conscience (y compris la matière dite non-vivante), alors, la manière de pratiquer amérindienne exprime toute sa pertinence, mais nous somme évidemment bien loin de la médecine EBP…

Bibliographie

Still, Andrew Taylor, 2003. Philosophie de l’ostéopathie. Sully, Vannes, 320 p., ISBN : 2-911074-64-5.
Still, Andrew Taylor, 2017. Autobiographie. Sully, Vannes, 461 p., ISBN : 978-2-35432-207-6.
Trowbridge, Carol, 1999. La Naissance de l’ostéopathie. Sully, Vannes, 292 p., ISBN : 2-911074-16-5.