Podcast - Toucher du doigt la santé
Approche tissulaire de l'ostéopathie -Livre 1
Pierre Tricot - Alain Decouvelaere
Editions Sully, 376 p., ISBN : 978-2-35432-277-9
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Démythifions, démythifions ! (2)
Le mythe de la mobilité des os du crâne
Ce billet fait suite à la récente parution de Mythologies ostéopathiques, publié aux Éditions l’Harmattan, livre constitué d’écrits de plusieurs auteurs rassemblés sous la direction de Pierre-Luc L’Hermite. Le chapitre 3 du livre a été écrit par Marco Gabutti et traite du mythe de la mobilité des os du crâne. Le titre déjà, annonce clairement la couleur. Le mouvement crânien serait un mythe.
Marco évoque le lien existant entre le modèle ostéopathique crânien développé par Sutherland et un modèle similaire développé par le scientifique et mystique Emmanuel Swedenborg à la fin du XVIIIe siècle. Il s’appuie en cela sur les travaux de deux ostéopathes américains, David B. Fuller et Theodore Jordan. J’ai traduit l’article de Th. Jordan Influence de Swedenborg sur le modèle du mécanisme respiratoire primaire de l’ostéopathie crânienne en 2009 pour le Site de l’Ostéopathie (qui n’existe plus aujourd’hui), mais que l’on peut trouver sur le site Osteo4Pattes2 et j’ai traduit le livre de David Fuller Osteopathy and Swedenborg, The Influence of Emmanuel Swedenborg on the Genesis and Development of Osteopathy, Specifically on Andrew Taylor Still and William Garner Sutherland (Ostéopathie et Swedenborg, de l'influence d’Emmanuel Swedenborg sur la genèse et le développement de l’ostéopathie, particulièrement sur Andrew Taylor Still et William Garner Sutherland), un livre de quelque 600 pages qui ne sera probablement jamais publié en français, faute d’un public et par conséquent, d’un éditeur intéressé. Tout au long de son ouvrage, David Fuller insiste sur l’influence qu’a eu Swedenborg sur la vie sociale, philosophique et spirituelle de la société américaine du XIXème siècle. Il insiste également sur l’influence qu’a pu avoir Swendenborg sur la création et le développement du concept ostéopathique par Still ainsi que celle du concept crânien de Sutherland. Ces liens étaient déjà signalés par Carol Trowbridge dans son ouvrage Naissance de l’ostéopathie.
Il est à peu près certain que Sutherland s’est effectivement largement inspiré des écrits de Swedenborg sur le cerveau. Il convient de souligner qu’ils ont été réalisés par Swedenborg dans la première période de sa vie dite période scientifique.3 Et il s’agit bien d’un travail scientifique tel qu’on pouvait le mener à l’époque, s’appuyant sur de nombreuses dissections. Le modèle qu’il en a tiré n’est donc pas sans fondement solide. Cela étant, les scientifiques de l’époque n’étaient pas réticents à parler philosophie et spiritualité. La science ne se confinait pas alors au seul domaine matériel.
Il est vrai que Sutherland ne fait que très peu allusion à Swedenborg et aux emprunts probables à ce dernier. Marco se permet même de le taxer de plagiat ! Et qui sommes-nous donc pour nous permettre un tel jugement associé à une condamnation alors nous ne disposons d’aucun argument explicatif provenant de Sutherland lui-même ?
Pour quelles raisons Sutherland ne parle pas de Swedenborg, dont il s’est manifestement inspiré ? Nous ne le saurons en fait jamais parce que toutes les personnes qui l’ont côtoyé de près sont aujourd’hui décédées et ne pourront pas nous transmettre cette information (si même elles l’ont connue).
Cela étant, l’habitude de ne pas citer ses sources semble assez courante chez les ostéopathes, à commencer par Still qui n’hésite pas à écrire dans La Philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie :
« Je ne cite aucun auteur, si ce n’est Dieu et l’expérience. Les ouvrages compilés par les auteurs médicaux ne nous sont quasiment d’aucune utilité et il serait vraiment insensé d’y chercher avis et instructions à propos d’une science dont ils ne connaissent rien. Ils ne sont pas capables de nous fournir une explication intelligente de leurs théories composites et il ne leur a jamais été demandé de nous conseiller. […] Un étudiant en philosophie réussit d’autant mieux qu’il recourt aux méthodes de raisonnement les plus simples (Still, 2009, 31-32)
Dans cette citation, il ne parle que des médecins (rappelons que la médecine de l’époque dans le Middlewest américain était particulièrement indigente) mais on sait que pour développer le modèle ostéopathique, il s’est largement inspiré de nombreux auteurs sans prendre la peine de les citer. Dans leurs biographies de Still, Carol Trowbridge (Naissance de l’ostéopathie) et John Lewis (De l’os sec à l’homme vivant) insistent sur l’influence qu’ont certainement eu sur Still et sur la formulation des éléments essentiels de l’ostéopathie Swedenborg (sans doute la tripartition de l’homme – body, mind, spirit), mais également Herbert Spencer, contemporain de Darwin et propagateur du concept évolutionniste sur le plan philosophique.
« Au sein du corps humain vivant étaient à l’œuvre de mystérieuses lois inconnues de la science permettant à des trillions d’unités vitales de coopérer en parfaite harmonie ; lois qui coordonnent la croissance, réparent et guérissent ; lois qui renforcent l’incompréhensible association du corps, de l’esprit [mind] et de l’esprit [spirit]. Pour répondre aux besoins de ces lois mystérieuses, la médecine avait besoin d’une philosophie plus appropriée. Still trouva les bases de l’une d’elles dans les Premiers principes d’Herbert Spencer (1862), volume introductif de sa Philosophie synthétique. Le livre devint ‘l’un des livres les plus précieux de Still’. » (Lewis, 2016, 83.)
Qui a eu la curiosité de lire Premiers Principes4, l’ouvrage qui débute la publication de tout le corpus de Spencer et Principes de biologie ? On y trouve nombre d’affirmations qui ressemblent étrangement aux concepts de base de l’ostéopathie proposés par Still. Pourtant Still n’en parle jamais. Je renvoie le lecteur intéressé par cette question à l’excellent mémoire de notre consœur québécoise Martine Rainville, que l’on peut trouver sur le site de l’ATO.5
Revenons à Sutherland, au concept crânien et sur l’accusation de plagiat formulée par Marco Gabutti. Sur le fait de ne pas citer ses sources, j’ai récemment trouvé une argumentation développée par Rachel Brooks qui a beaucoup travaillé avec Rollin Becker. C’est elle qui a rassemblé les textes de ses conférences dans deux livres La Vie en mouvement et L’immobilité de la vie. Dans un très récent ouvrage Three Great Teachers of Osteopathy, évoquant l’expérience vécue auprès de Rollin Becker, elle écrit ceci :
« Le Dr Becker croyait fermement que les étudiants avaient le droit (et peut-être la responsabilité) de 's’appuyer sur les épaules' de leur professeur. Il pensait que les étudiants pouvaient acquérir les connaissances et les compétences qu’ils pouvaient auprès de leurs enseignants, puis développer leur propre compréhension, que l’on espérait plus grande. En lien avec cette idée, il croyait que ce que vous aviez reçu de vos mentors devenait vôtre. Si vous étudiez ses conférences et ses écrits, vous verrez qu’il nomme rarement la source des informations et des idées qu’il présente. Rollin avait certainement le plus grand respect et la plus grande gratitude pour ce qu’il avait reçu de la lignée des docteurs Still et Sutherland, mais il pensait que la réalité était qu’il avait absorbé et digéré les connaissances au mieux de ses capacités, et que tout ce qu’il pouvait faire était de transmettre sa propre compréhension cumulée. » (Brooks, 2023, 66)
On peut supposer que Sutherland défendait une position similaire. On peut aussi supposer qu’il n’a pas désiré évoquer Swedenborg à cause de l’aspect spiritualiste pour lequel il était essentiellement connu à l’époque et qui « cadrait » mal avec les réticences rencontrées face aux praticiens se voulant « scientifiques ».
De toute manière, nous ne saurons jamais de quoi il retourne exactement et avec le recul, cela ne me semble plus essentiel aujourd’hui.
Le concept crânien, un modèle
Doit-on rappeler ce qu’est un modèle ? C’est une représentation simplifiée d’un processus, d’un système. Le scientifique utilise couramment la modélisation, c’est-à-dire l’abstraction du réel, élaborant des modèles pour tenter de résoudre des problèmes ou de mieux comprendre des phénomènes particuliers qu’il observe ou expérimente. Le modèle est alors une structure théorique très réfléchie, rassemblant un nombre limité d’éléments sélectionnés, susceptibles de varier. C’est une structure visant à faciliter la description, l’étude, la compréhension et éventuellement la prévision des phénomènes qui se produisent ou peuvent se produire dans un champ d’observation défini avec un degré de rigueur élevé et dans des conditions d’observation généralement très strictes et précisées dès le départ.
Alfred Korzybski, fondateur de la sémantique générale, dit que notre première activité en tant qu’individus vivants, c’est de percevoir et que viennent ensuite nos tentatives pour décrire et comprendre ce que nous avons perçu. Ainsi, créons-nous des modèles qui sont des abstractions par rapport à ce qui a été expérimenté. Relativement à ce phénomène, il propose l’analogie de la carte et du territoire : incapables d’envisager un territoire dans toute sa complexité, nous utilisons des représentations, des modèles de ce territoire que nous appelons cartes. Malheureusement, nous oublions bien souvent « qu’une carte n’est pas le territoire qu’elle représente. » (Korzybski 1951, 17). Elle nous donne seulement une représentation partielle de celui-ci à l’aide de symboles, de signes conventionnels et ne représente au mieux qu’une partie de ce territoire.
La caractéristique essentielle d’un modèle est d’être opératoire, fonctionnel. Sa validation essentielle se trouve donc dans le résultat obtenu par son utilisation, conforme ou non à ce qu’on attend de lui.
« On peut dire que l’homme est un incessant constructeur de modèles. Dans la plupart des situations où il peut se trouver, il ne saurait s’en passer pour comprendre et agir. Même les systèmes magiques les plus éloignés de nos modes de pensée font usage de modèles qui nous deviennent parfaitement cohérents dès que nous avons pu saisir la démarche logique sur laquelle ils se fondent, ou découvrir et comprendre les mythes qui leur servent de support. » (Bulla-de-Villaret 1992, 112).
Évaluation d’un modèle
Un certain nombre de critères logiques peuvent nous permettre d’évaluer la qualité d’un modèle. Citons-en quelques-uns.
La fiabilité dépend évidemment des objectifs ayant présidé à la création du modèle qui sera considéré comme fiable dans la mesure où sa mise en œuvre permet d’atteindre les résultats escomptés lors de sa création.
La prédiction est également un élément important. Elle représente souvent une des raisons essentielles ayant présidé à la conception du modèle. Un modèle est donc d’autant plus intéressant qu’il permet de prévoir un enchaînement de causes et de conséquences.
La simplicité constitue un critère important pour évaluer un modèle, parce qu’il est chargé de représenter tout ou partie d’une situation trop complexe pour être envisagée ou étudiée dans son ensemble. La simplicité est également garante de la facilité avec laquelle on pourra le mettre en œuvre.
La maniabilité est indispensable. Trop de lourdeur fige les choses et décourage de modifier quoi que ce soit pour étudier les résultats.
Le modèle apporte-t-il une meilleure compréhension des phénomènes qu’il est chargé d’étudier ? Une qualité majeure rapportée à un modèle siège dans sa capacité à inclure le plus d’éléments possibles au sein d’une compréhension.
Un modèle doit enfin être évolutif et pouvoir être modifié en fonction des difficultés apparaissant lors de sa mise en œuvre, des trouvailles qu’il génère ou des changements intervenant dans la situation qu’il permet d’étudier.
Le modèle de Swedenborg/Sutherland doit-il être réévalué ?
Nous pouvons bien entendu appliquer cela à la modélisation du concept crânien de Swedenborg/Sutherland. Même si, comme tout modèle, il présente des approximations, peut-être/sans doute des erreurs, ce modèle « impossible » existe et est utilisé depuis plus de cent ans. Au cours de cette période, il a aidé, parfois de manière très importante, des millions de gens. Nous avons là un fait !
S’il était vraiment caduc, comment se fait-il qu’au cours de ces années tant de gens y aient eu recours et trouvé, grâce à lui une solution à leurs difficultés ? Peut-on imaginer que tant de gens recourent à des pratiques fondées sur un modèle qui ne fonctionnerait pas ? À ce propos, me vient cette citation d’Herbert Spencer tirée du début de ses Premiers Principes :
« Il nous arrive trop souvent d’oublier non seulement qu’il y a une âme de bonté dans les choses mauvaises, mais aussi qu’il y a une âme de vérité dans les choses fausses. S’il y a des gens qui admettent d’une manière abstraite qu’une fausseté contient probablement un noyau de vérité, bien peu y songent quand ils rendent un jugement sur les opinions d’autrui. On rejette avec indignation et mépris une croyance qui heurte grossièrement la réalité ; et dans le feu de la lutte, personne ne se demande ce qui la recommandait aux esprits. Il faut pourtant qu’il y ait eu en elle quelque chose qui l’imposât. Il y a lieu de croire qu’elle s’accorde avec certaines parties de l’expérience des hommes par une correspondance imparfaite et vague peut-être, mais pourtant réelle. » (Spencer, 1885, 2).
Par rapport au concept crânien, il me semble que la véritable attitude scientifique n’est pas de prouver que le modèle est faux, au motif qu’on ne le comprend pas, qu’il ne peut être démontré par la science. Une telle attitude dénote une incroyable arrogance ! Comme si la science pouvait aujourd’hui tout démontrer !
Cela conduit certains à ne pas vouloir l’utiliser (et même pour certains à le prohiber) par ce qu’il n’est pas démontré ou compatible avec ce que connaît la science. Le problème, c’est que la vie même et l’homme vivant ne cessent de défier la science (Dieu merci !😉) en tout cas la science matérialiste. Outre son incroyable arrogance, cette attitude ne peut qu’interdire tout progrès et toute expérimentation de ce qui n’est pas « démontré par la science », conduisant à un immobilisme destructeur.
La véritable attitude scientifique consiste à essayer de comprendre en quoi ce modèle fonctionne, ce qui, probablement, l’obligerait à sortir de ses formats réducteurs et à changer de paradigme pour passer d’un paradigme matérialiste à autre chose incluant conscience et esprit.
L’impossible mouvement des os du crâne
Marco Gabutti insiste sur l’impossibilité, selon lui, d’une mobilité crânienne chez l’adulte et donc sur l’impossibilité du concept crânien :
« Il découle des points précédents que si on souhaite recourir à un modèle explicatif basé sur la mobilité des os de la base du crâne, on ne peut raisonnablement le faire que pour les nourrissons et les enfants en bas âge. Au fur et à mesure que la fusion des os du chondrocrâne s’opère au cours de la croissance, la possibilité d’imputer la perception des praticien.n.es à des mouvements des os du crâne devient de moins en moins plausible. » (L’Hermitte, 2024, 69)
Ce qui m’étonne toujours, lorsque je lis les « détracteurs » du concept crânien, c’est leur acharnement à démontrer que tout mouvement crânien est impossible, ce qui, à leurs yeux, rend le modèle invraisemblable, alors, répétons-le, que ce modèle est fonctionnel et donne des résultats satisfaisant nombre de personnes y ayant recours.
Sur la manière dont on considère les structures vivantes, il me semble que le modèle de la tenségrité peut nous permettre d’accepter l’idée d’un crâne plastique et mobile. Les recherches poussées concernant ce modèle sont bien exposées et développées dans le livre de Graham Scarr Biotenségrité (2020). Ces travaux permettent de comprendre que la structure vivante, y compris la structure osseuse est souple, plastique et déformable. On peut ainsi supposer que si Sutherland avait connu le modèle de la tenségrité, il n’aurait pas eu besoin de recourir à l’explication de la fameuse articulation sphéno-basilaire, dont on sait effectivement, qu’elle disparaît chez l’adulte. La plasticité des structures osseuses permet d’accepter l’idée de mouvements de toutes les structures crâniennes consécutives à une expansion/rétraction inhérente. Mais au lieu de recourir à des structures rigides articulées sur des axes (modèle certes fruste, mais pas totalement incorrect) ce concept permet de concevoir la base du crâne comme une fleur qui s’ouvre, l’ensemble du système devant s’adapter, ce qui donne des mouvements assez bien individualisés des structures crâniennes périphériques.
Alors finalement, ça bouge ou ça bouge pas ?
Alors, le modèle de Sutherland est-il valide ou non ? Outre l’évidence de son utilité et de son efficacité, la réponse semble en grande partie consécutive au fait de percevoir ou non les mouvements. Si l’on se cantonne dans une logique de type aristotélicien (vrai ou faux), on peut sans doute poser les choses de cette manière : soit
1. L’impulsion rythmique crânienne existe et donc le modèle de Sutherland présente une validité.
2. L’impulsion rythmique crânienne n’existe pas et le modèle de Sutherland est invalide.
1. L’impulsion rythmique crânienne existe et le modèle de Sutherland présente donc une validité.
1.1 Il n’a pas encore été prouvé de manière irréfutable.
Il est vrai que l’on n’a pas encore réussi à démontrer de manière claire et précise que les structures crâniennes bougent, que le système est animé de mouvements d’expansion/rétraction se transmettant aux os du crâne et déterminant à leur niveau des mouvements identifiables. Cela ne veut pas dire que de tels mouvements n’existent pas. Cela dit simplement qu’on n’a pas encore réussi à les enregistrer de manière irréfutable.
Il est fort probable que les technologies existant aujourd’hui permettraient d’obtenir ces informations. Mais le problème essentiel est ici le coût que représenterait la mise en place et la réalisation de protocoles permettant cette vérification et la nécessaire volonté de mener une telle étude qui ne semble pas être la préoccupation des personnes gérant ces systèmes.
1.2 Pourquoi certains le perçoivent-ils ?
1.3 Pourquoi certains ne le perçoivent pas ?
Sur les points 1.2 et 1.3, si je parviens à percevoir ces mouvements, cela devient vrai pour moi : je les ai expérimentés et cette expérience me donne une réalité sur la question. Si je ne les perçois pas, ils ne sont pas réels pour moi et la tentation est forte d’affirmer qu’ils n’existent pas. En fait, ils n’existent pas pour moi, mais cela ne signifie pas qu’ils n’existent pas, puisque certains les perçoivent… Dans un cas comme dans l’autre, l’erreur vient du fait de généraliser une expérience personnelle.
Par rapport à cette question, j’ai personnellement pendant longtemps fait partie des douteurs. Comme je ne percevais aucun mouvement dans le système crânien, je doutais de leur existence, mais la certitude affichée par mes enseignants français ou américains me laissait tout de même penser que si je ne les percevais pas, ils existaient néanmoins peut-être. J’étais dans le doute, ni croyant, ni incroyant (plutôt incroyant tout de même…)
Pour que j’arrive à percevoir ce type de mobilité, il m’a fallu modifier ma manière d’entrer en contact avec les structures crâniennes. À la suite de cela, j’ai pu commencer à les percevoir. Ce qui a changé, à l’évidence, ce ne sont pas les structures que je contactais, mais ma manière de les aborder (de là sont nés les paramètres de palpation). D’incroyant, je ne suis devenu croyant. Mais c’est l’expérimentation qui m’a fait changer de bord. Il m’a fallu du même coup accepter d’être en contradiction avec quelques « autorités » qui prétendaient non seulement que le mouvement crânien n’existe pas, mais qu’il est de plus impossible.
Pour cette raison, les propos de Marco Gabutti m’étonnent d’autant plus qu’il a travaillé avec moi plusieurs années (6 ans), au cabinet et comme co-animateur des stages d’approche tissulaire. Il a donc expérimenté ces choses et je ne me souviens pas qu’à ce moment il ait manifesté quelque perturbation à leur propos.
2. L’impulsion rythmique crânienne n’existe pas et le modèle de Sutherland est invalide
2.1 Pourquoi certaines le perçoivent ?
2.2 Pourquoi son utilisation donne des résultats qui bien que non quantifiables sont bien réels ?
Si ce modèle est vraiment faux et que les mouvements crâniens n’existent pas, alors ceux qui le perçoivent et travaillent avec ne sont que des « allumés » et les gens qui y recourent des « gogos extatiques », comme les appelle Jean-Marie Abgrall dans son livre Les charlatans de la santé (Abgrall, 2018).
OK, mais alors, comment expliquer également que travailler avec ce qui est perçu donne des changements qui, même s’ils ne sont pas toujours quantifiables, sont bien réels et apportent de l’aide à des millions de personnes depuis cent ans ?
Il est bien entendu bien plus facile de rejeter, de prétendre, contre toute évidence, que cela n’existe pas, plutôt que d’explorer et de chercher à comprendre et d’émettre des hypothèses, aussi farfelues puissent-elles paraître…
Bibliographie
Abgrall, Jean-Marie. 1998. Les charlatans de la santé. Documents Payot. Paris : Payot & Rivages.
Becker, Rollin E, Rachel E Brooks. 2012. La vie en mouvement. Vannes : Sully.
Becker, Rollin E, Rachel E Brooks. 2013. L’immobilité de la vie. Vannes : Sully.
Brooks, Rachel E. 2023. Three Great Teachers of Osteopathy: Lessons We Learned from Drs. Becker, Fulford, and Wales. Stillness Press, LLC.
Bulla de Villaret, Hélène. 1992. Introduction à la sémantique générale de Korzybski. Paris : Éd. le Courrier du livre.
De Mendoza, Jean-Louis Juan. 1996. Deux hémisphères : un cerveau : un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir. Paris : Flammarion.
Fuller, David B. 2012. Osteopathy and Swedenborg: the influence of Emanuel Swedenborg on the genesis and development of osteopathy, specifically on Andrew Taylor Still and William Garner Sutherland. Bryn Athyn, Pa : Swedenborg Scientific Association Press.
Gevitz, Norman. 2019. The DOs: osteopathic medicine in America. Third edition. Baltimore, Maryland: Johns Hopkins University Press.
Korzybski, Alfred. 1998. Une carte n’est pas le territoire Introduction à la sémantique générale et aux systèmes non-aristotéliciens. Paris : Éditons de l’Éclat.
Lewis, John Robert. 2016. A.T. Still : de l’os sec à l’homme vivant. Traduit par Pierre Tricot. Gwynedd LL41 3YW.
L’Hermite, Pierre-Luc. 2024. Mythologies ostéopathiques. Éthique et pratique médicale. Paris: l’Harmattan.
Prieur, Jean. 1994. Swedenborg : biographie et anthologie. Paris : Lanore.
Scarr, Graham, et Stephen M. Levin. 2020. Biotenségrité : la base structurelle de la vie. 2e édition. Vannes : Sully.
Still, Andrew Taylor. 2001. La philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie. Paris : Éd. Frison-Roche.
———. 2009. Ostéopathie : Recherche et pratique. Vannes : Sully.
Trowbridge, Carol. 1999. La Naissance de l’ostéopathie. Vannes : Sully.
Truhlar, Robert Edison. 1950. Doctor A. T. Still In The Living: His Concepts And Principles Of Health And Disease. Robert E. Truhlar.
1 Paru sur le blog du site de l’ATO, 10 juillet 2024.
2 https://www.revue.sdo.osteo4pattes.eu/spip.php?article2140
3 Pour connaître la vie et l’œuvre de Swedenborg, il existe un excellent ouvrage en français : Jean Prieur, Swedenborg: biographie et anthologie. Éditions Lanore 1994.
4 Dont on peut télécharger le texte complet sur le site de l’ATO : https://www.approche-tissulaire.fr/images/stories/fichiers_pdf/HS_Principes.pdf
5 https://www.approche-tissulaire.fr/images/stories/fichiers_pdf/mr_still_et_spencer.pdf
Démythifions, démythifions !
Ce billet fait suite à la récente parution de Mythologies ostéopathiques, publié aux Éditions l’Harmattan, livre constitué d’écrits de plusieurs auteurs rassemblés sous la direction de Pierre-Luc L’Hermite.
Dès l’introduction, Pierre-Luc annonce la couleur :
« Admettre l’existence de mythologies ostéopathiques en revient à envisager la possibilité qu’il y aurait en son sein certains éléments relevant du monde de la fabulation. » (p. 16).
Pierre-Luc fait à juste titre remarquer que les ostéopathes ont souvent attribué à Still des citations sans jamais référencer leur source. Et il est bien vrai qu’au cours du temps beaucoup ne se sont pas privés, pour étayer leurs discours, de lui attribuer des propos qu’il n’avait pas tenus ou d’en transformer d’autres pour mieux les utiliser à l’appui de leurs affirmations.
Ainsi, liste-t-il certaines citations attribuées à Still et largement utilisées, alors qu’aucune certitude n’existe à leur propos. Dans sa courte énumération, il a oublié le fameux « la structure gouverne la fonction » que l’on ne trouve nulle part exprimé de cette manière dans les écrits de Still et qui sert de justification à bien des manières différentes de vivre l’ostéopathie. Le seul endroit où j’ai trouvé cette citation, c’est un petit livre de Robert Truhlar DO qui s’appelle Doctor Still in the Living (Truhlar, 1950, 135), ouvrage dans lequel Truhlar a rassemblé des témoignages et citations de personnes (notamment d’anciens étudiants) ayant côtoyé Still.
Généralement, le recours aux citations a pour objet de « légitimer » des propos, une position, une théorie en l’attachant à un « fulcrum » dont on pense qu’il rendra les choses moins discutables. Et pour nous ostéopathes, il est logique de nous relier à notre fulcrum de base, Still. Malheureusement, cela s’est souvent fait au sein d’une inculture certaine concernant l’histoire de la naissance et du développement de l’ostéopathie et d’une méconnaissance de ses textes fondateurs. Ce manque de lien à la source a d’ailleurs été la principale raison qui m’a motivé pour traduire les écrits publiés de Still et de ses successeurs.
Et pourtant, malgré cela, ce lien à la source est toujours aussi défaillant. Dans nos débuts de découverte de l’ostéopathie, nous avions l’excuse de ne pas les avoir à disposition. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il me semble pourtant qu’une meilleure connaissance des éléments ayant présidé à la création de l’ostéopathie pourrait éviter ou diminuer le recours à des fausses citations.
Keep it pure
Concernant le fameux Keep it pure, Pierre-Luc en donne une possible origine. Personnellement, j’ai pour la première fois trouvé cette citation dans l’ouvrage de Carol Trowbridge Naissance de l’ostéopathie. Elle termine son récit par cette phrase :
« On a raconté que le dernier message de Still à la profession fut : ‛Keep it pure, boys, keep-it pure (Gardez la pure garçons, gardez la pure).’ Andrew Taylor Still ne se rendait certainement pas compte à quel point il leur serait difficile de suivre cette exhortation. Mais c’est une autre histoire » (Trowbridge, 1999, 259).
Pierre-Luc ouvre ensuite une discussion sur le sens et la portée de l’affirmation. Tout cela n’est pas faux, mais il omet de mentionner que si l’on ne peut trouver l’exacte origine de l’affirmation, elle se réfère à une préoccupation particulièrement essentielle pour Still, clairement et explicitement indiquée au paragraphe 22 de son dernier opus Ostéopathie, recherche et pratique :
« Nous croyons que notre maison thérapeutique est tout juste assez grande pour l’ostéopathie et que lorsque d’autres méthodes y pénètrent, autant d’ostéopathie doit en sortir. » (Recherche et pratique §22, 2001, 23)
Et je crois qu’en la matière, Still savait de quoi il parlait, parce qu’à son époque, déjà, il dut lutter contre de nombreuses tentatives visant à « améliorer » le modèle ostéopathique et entama bien des combats pour éviter son abâtardissement. Il me semble d’ailleurs que cette question est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
La suite de l’histoire qu’évoque Trowbridge à la fin de la citation, nous en connaissons une bonne partie et elle nous montre que l’ostéopathie risque fort de se trouver altérée, dévoyée peut-être, par les successeurs, pour les « meilleures raisons du monde ». Il n’est que de lire The DOs de Norman Gevitz, sociologue américain2, qui raconte l’histoire chaotique de l’ostéopathie américaine en vue de sa reconnaissance par la profession médicale. Ce que j’y ai lu rejoint une expérience que nous avons vécue à l’automne 1998 lors d’un voyage à Kirksville à l’occasion du Founder’s Day. Le thème de ce voyage, organisé par Bruno Ducoux était : À la rencontre de l’ostéopathie. En assistant aux cycles de conférences données au cours de ce symposium, non seulement nous n’avons guère rencontré l’ostéopathie, mais nous avons découvert avec étonnement des difficultés que nous ne soupçonnions pas, notamment que les ostéopathes américains souffraient d’un grave problème d’identité.
Depuis les années 1910 et le rapport Flexner3 qui avait porté un rude coup à la crédibilité de l’ostéopathie, les ostéopathes n’avaient cessé d’élever le niveau de leur formation, avec comme objectif d’être considérés à égalité avec les médecins MDs et d’obtenir une reconnaissance et un statut équivalents. Après bien des péripéties, cela leur fut accordé juridiquement vers la fin des années 19604. L’enseignement a continué d’évoluer et aujourd’hui, la formation d’un ostéopathe (DO) suit le même cursus de base que celle d’un médecin (MD) avec une formation supplémentaire spécifique à l’ostéopathie, avec comme résultat que la grande majorité des praticiens DO ne pratiquent plus d’ostéopathie, mais de la médecine classique. (En fait, aujourd’hui, beaucoup d’étudiants s’engagent dans la filière DO, parce qu’elle est plus facile d’accès que la filaire MD, mais ils n’ont aucun intérêt pour l’ostéopathie. Ils veulent simplement être médecins). Ils ne pratiqueront donc pas l’ostéopathie.
De cela résulte que la pratique de l’ostéopathie tombe progressivement en désuétude et que, contrairement à la chiropraxie, elle est quasiment inconnue de l’américain moyen qui ne différencie plus le DO du MD.5 L’ostéopathie n’est plus reconnue comme une profession individualisée et les ostéopathes souffrent de ne pas être reconnus en tant que tels.
Conscients de la gravité de la situation, les responsables américains de la profession ont à cette époque fait appel à Norman Gevitz pour analyser la difficulté et proposer des solutions. Nous étions présents à la lecture du rapport de Gevitz qui commençait à peu près par ces mots :
« La médecine ostéopathique pourrait bien être le secret le mieux gardé des soins de santé américains. À l’heure actuelle, la profession de médecin ostéopathe est probablement la moins connue des principales professions de santé aux États-Unis. Des études distinctes commandées à la fin des années 1990 par l’AOA et l’AACOM ont révélé que moins de 15 % des Américains connaissaient alors le champ d’application de l’autorisation d’exercer la médecine ostéopathique et étaient en mesure d’exprimer des différences significatives entre les DO et les autres praticiens de santé. En 2000, l’étude OSTEOSURV-II, utilisant une méthodologie différente, a noté que 46 % des personnes interrogées ‛connaissaient’les médecins ostéopathes, mais l’étendue ou la précision de leurs connaissances n’était pas claire. » (Gevitz, 2019, 207).
Dans son rapport, Gevitz avançait des chiffres troublants : à cette époque, 36 000 praticiens ostéopathes étaient officiellement enregistrés, la plupart pratiquant la médecine classique. Un récent sondage avait permis de déterminer que parmi eux, seuls 3 000 environ pratiquaient réellement les techniques manuelles ostéopathiques et que sur ce nombre, probablement pas 300 pratiquaient l’approche crânienne.
Ce qui nous a le plus étonnés, c’est la solution proposée par Gevitz : il s’agissait de suivre l’exemple des chiropracteurs qui avaient résolu un problème similaire grâce à une campagne de sensibilisation mobilisant tous les médias, financée par 2 % du revenu brut des praticiens prélevés et consacrés à cela. Cette solution ayant particulièrement bien fonctionné pour les chiropracticiens, Gevitz proposa la même aux ostéopathes, mais curieusement, à aucun moment il n’évoqua l’idée de pratiquer l’ostéopathie…
Oui, mais, me direz-vous, cela concerne les ostéopathes américains, pas nous. Voire ! Aujourd’hui, pour des raisons différentes, sans doute (quoique… problèmes d’identité, de reconnaissance me semblent bien parents) pour « les meilleures raisons du monde » en tout cas, les tentatives sont nombreuses pour tenter de formater l’ostéopathie à la mode « scientifique », avec tout ce que ce formatage comporte comme aspects réducteurs, afin notamment, de lui donner un aspect plus « convenable », en accord avec le paradigme scientifique (matérialiste) aujourd’hui dominant. Comme si le format scientifique était le seul valide.
Bien entendu, il n’y a rien d’anormal ni de répréhensible à recourir à ce que peut nous apporter la science pour mieux comprendre ce que nous faisons, mais n’oublions pas que l’ostéopathie est avant tout une approche philosophique et que le formatage du philosophe n’est pas le même que celui du scientifique, beaucoup plus réducteur, notamment par rapport à l’humain vivant, qui ne cesse de défier la science.
Contrairement au scientifique, le philosophe s’intéresse particulièrement aux mythes, mais il ne le fait pas dans le but de dénoncer leurs faussetés apparentes, mais pour y puiser au contraire les vérités souvent profondes et importantes qu’ils tentent d’exprimer. Tuer les mythes peut être une excellente méthode pour éviter de discerner les vérités qu’ils recouvrent.
S’intéresser aux mythes (même les mythes ostéopathiques) en cherchant ce qu'ils tentent de révéler me semble démarche plus constructive, plus rassembleuse aussi puisqu’elle permet de nous recentrer sur ce qui semble essentiel. À ce titre je vois la plupart des « mythes » ostéopathiques comme permettant de nous rassembler sur nos essentiels, nos fulcrums. Et en ces temps de conflits permanents, cette attitude me semble plus constructive et plus utile pour rassembler les gens.
Alors, désolé, Pierre-Luc, mais pour terminer ce court billet, je dirais simplement :
« Keep-it pure » !
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1 Paru sur le blog du site de l’ATO, 07 juillet 2024.
2 Le Docteur GEVITZ était Professeur d’Histoire de la Médecine au Collège de Médecine de Chicago, Université de l’Illinois. En outre, il avait récemment exercé la charge de Directeur du Programme de Sciences Humaines du Collège de Kirksville.
3 Flexner, Abraham, Rapport sur l’enseignement médical dans les États-Unis et le Canada à la Fondation Carnegie pour le progrès de l’Enseignement, 1910. Bethesda, Science and Health Publications. n.d. pp. 158-166.
4 Informations tirées de Osteopathic Medicine, Past and Present brochure écrite par Georgia Warner Walters, publiée par le KCOM.
5 En 1981 l’A.O.A. (American Osteopathic Association) a chargé la Société de Relations Publiques Burson-Marsteller de mener une enquête sur les attitudes du public face aux soins médicaux et aux professionnels de santé. Seulement dix pour cent des personnes interrogées identifièrent correctement ce qu’est un DO ou ce qu’il fait.
Bibliographie
Gevitz, Norman. 2019. The DOs: osteopathic medicine in America. Third edition. Baltimore, Maryland: Johns Hopkins University Press.
Lewis, John Robert. 2016. A.T. Still: de l’os sec à l’homme vivant. Traduit par Pierre Tricot. Gwynedd LL41 3YW.
L’Hermite, Pierre-Luc. 2024. Mythologies ostéopathiques. Éthique et pratique médicale. Paris: l’Harmattan.
Still, Andrew Taylor, 2009. Ostéopathie : Recherche et pratique. Vannes: Sully.
Trowbridge, Carol. 1999. La Naissance de l’ostéopathie. Traduit par Jean-Hervé Frances et Pierre Tricot. Vannes: Sully.
Truhlar, Robert Edison. 1950. Doctor A. T. Still In The Living: His Concepts And Principles Of Health And Disease. Robert E. Truhlar.
La présence thérapeutique - guide pratique
Shari M. GELLER
Traduit de l'américain par Pierre Tricot
Editions Sully, 368 p., ISBN : 978-2-35432-274-8
22 juin 1874 – l’ostéopathie a 150 ans
Still « has-been » ? L’ostéopathie obsolète ?
« Ma science ou ma découverte est née au Kansas à l’issue de multiples essais, réalisés à la frontière, alors que je combattais les idées pro-esclavagistes, les serpents et les blaireaux puis, plus tard, tout au long de la guerre de Sécession, jusqu’au 22 juin 1874. Comme l’éclat d’un soleil, une vérité frappa mon esprit : par l’étude, la recherche et l’observation, j’approchai graduellement une science qui serait un grand bienfait pour le monde. » (Autobiographie, 2017, p.119).
Cette citation est évidemment bien connue et souvent répétée. À cette époque l’ostéopathie n’était pas encore née. Le mot « ostéopathie » n’apparaîtra que près de vingt ans plus tard, au moment de la création du collège de Kirksville (1892). Mais le 22 juin 1874 est considéré comme la date clé marquant la naissance de l’ostéopathie.
Cette citation est extraite de son Autobiographie, écrite il y a plus de cent ans. Marqués par leur époque, les écrits de Still datent. En cent ans, les connaissances de base sur l’homme et la médecine ont évolué à une vitesse vertigineuse, nos consciences également. On peut dès lors légitimement se demander si lire Still aujourd’hui peut être nécessaire ou même présenter quelque intérêt. Pour étayer l’importance de cette lecture, plusieurs points méritent d’être développés.
Cerner la personnalité
C’est en côtoyant étroitement une personnalité que l’on parvient à discerner quelques-unes de ses mille et une facettes. Un personnage disparu ne peut être connu que par les écrits qu’il a laissés et les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé.
— L’inconvénient des témoignages est qu’ils nous imposent le point de vue d’intermédiaires. Seule la lecture de ses écrits nous met en contact direct avec un être et sa complexité. Elle devient un moyen privilégié pour nous forger une opinion personnelle sur l’homme et son œuvre, sans intermédiaire.
— Par ailleurs, selon notre état du moment, notre maturité ostéopathique et humaine, notre avancement personnel, en un mot notre état de conscience, nous sommes sensibles à tel ou tel aspect présenté par l’auteur. La résonance change avec notre état d’être, d’où l’intérêt de lire Still mais également de le relire au fur et à mesure que nous évoluons. Comme l’a fait remarquer F. Peyralade dans une interview parue dans ApoStill n° 3 à propos de l’Autobiographie, « Le livre de Still est un peu comme Le Petit Prince de Saint-Exupéry. On peut le lire enfant, on peut le lire quand on débute dans la profession et on peut encore le lire vers la fin de son activité professionnelle. On retrouvera encore et toujours des choses essentielles. » Les multiples facettes de la personnalité de Still ne sont pas toutes perceptibles ni compréhensibles au premier abord. Il faut y revenir souvent. Ainsi, lecture et relecture sont le seul moyen de saisir vraiment l’essentiel de Still qui s’exprime fréquemment « entre les lignes » plus que dans le discours direct.
Dans cette optique, il est intéressant de remarquer ce qu’a dit Rollin Becker en avril 1969 à un groupe d’étudiants, lors d’un symposium :
Je leur ai expliqué que pendant huit ans, j’avais utilisé l’ostéopathie manipulative telle que je l’avais apprise dans les cours du collège et dans les séminaires post-gradués et que j’étais particulièrement déçu de son utilisation parce que je ne pouvais ni contrôler, ni savoir pourquoi les cas atteignaient ou non l’amélioration que j’attendais. Poussé par cette désillusion, j’ai repris l’Autobiographie de Still et réétudié ses principes de base. Deux ans plus tard, en 1944, sous la houlette du Dr Sutherland j’ai étudié l’anatomie et la physiologie détaillées du mécanisme crânio-sacré, complétant ainsi ma connaissance de la totalité de la physiologie corporelle. J’ai alors progressivement développé le type de diagnostic et d’approche thérapeutique que j’utilise aujourd’hui. Je leur ai dit que j’avais utilisé ce type de soin dans plus de 60 000 programmes de traitements et que je l’avais utilisé dans tous les types de problèmes cliniques qu’un praticien fréquenté rencontre en clientèle – toutes sortes de traumatismes, de maladies et d’entités cliniques (L’Immobilité de la vie, pp. 281-282).
L’union à la source
Traduction et lecture de Still permettent l’union à notre source, ce qui pour plusieurs raisons me semble aujourd’hui essentiel.
— Fondateur de l’ostéopathie, Still représente notre source commune. Sa philosophie est notre seul vrai point commun, celui sur lequel, malgré leurs différentes formations et personnalités, tous les ostéopathes peuvent trouver des points d’accord (des fulcrums) solides.
— Still nous fournit un fulcrum, un point d’appui. Dans l’univers, rien ne s’érige sans point d’appui. La stabilité de l’édifice dépend de celle de ces fondements. La philosophie de Still peut et doit constituer ce point d’appui inébranlable sur lequel nous appuyer pour édifier et développer notre profession.
— La transmission du savoir a toujours constitué pour Still un souci majeur. Or, à chaque transmission, un concept est altéré, par celui qui le transmet, comme par celui qui le reçoit. En multipliant les intermédiaires, on multiplie les altérations et l’ostéopathie française souffre cruellement de ce phénomène. La référence à la source d’un savoir ou d’un concept réduit considérablement cet écueil, car elle n’induit qu’une altération pour chaque personne qui s’y réfère. Ici, la traduction peut constituer une altération supplémentaire que nous avons essayé de minimiser le plus possible.
La nature de l’homme n’a pas changé
Par ailleurs, la philosophie de Still est profondément naturaliste. Elle respecte particulièrement l’homme et la vie. En cent ans, l’essentiel de l’homme vivant n’a pas changé. Seules les interprétations ou les explications que nous en donnons ont changé, à la lumière des découvertes de la science et de la médecine, de sorte que l’approche ostéopathique demeure aujourd’hui aussi véridique et applicable qu’il y a cent ans. Et où la trouver plus conforme à Still que dans ses écrits même ?
Le cœur et la raison
Enfin, si Still est homme de raison, il est également homme de cœur et c’est à notre cœur qu’il s’adresse. Cela n’a pas vieilli non plus. Notre époque privilégiant le scientifique, le « rationnel », oublie bien souvent le cœur, moteur essentiel de la vie. Or, c’est à la vie et au vivant que nous nous adressons. Cela caractérise la démarche de l’ostéopathe, la différenciant radicalement de la démarche médicale classique.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres sans doutes, la lecture de Still, même si elle n’est pas toujours facile, présente aujourd’hui le même intérêt qu’il y a cent ans, peut-être plus même, à cause de notre conscience qui a évolué, nous permettant de discerner à quel point cet homme fut un visionnaire autant qu’un grand thérapeute.
Obsolète l’ostéopathie ?
C’est face à la médecine de son temps, impuissante et dangereuse que Still a trouvé la motivation essentielle au développement de l’ostéopathie. Les progrès accomplis dans le domaine médical depuis cette époque sont considérables. On ne peut certes plus reprocher à la médecine son inefficacité ! Face à cette remarquable évolution, l’ostéopathie n’est-elle pas aujourd’hui une approche passéiste, voire obsolète ? En d’autres mots, l’ostéopathie a-t-elle encore sa raison d’être ? Paradoxalement je pense que oui. Peut-être même plus que jamais.
On peut également remarquer qu’au cours de l’histoire, ont existé de nombreux thérapeutes particulièrement efficaces chacun ayant développé son propre système. Pourtant, très peu se sont perpétués. Comment expliquer que l’ostéopathie ait réussi le tour de force de se maintenir, malgré les nombreuses oppositions rencontrées ? Je pense qu’elle le doit en grande partie à sa philosophie qui permet en fournissant des valeurs essentielles et stables, de ne pas figer la pratique, la limitant à quelques types précis de techniques. Elle le doit aussi, évidemment, à son utilité reconnue au sein du public utilisateur.
Des fondements toujours vrais
Tout d’abord, elle se fonde sur des concepts essentiels inhérents à la vie et au vivant. Même si la conscience que nous en avons et la manière dont nous les exprimons aujourd’hui ont évolué, ces concepts n’ont pas changé. Autrement dit, il peut être intéressant, voire primordial de réexaminer et d’affiner le modèle ostéopathique, mais pour l’essentiel, il conserve sa validité.
Une médecine déshumanisante
Par ailleurs, parallèle à l’évolution des sociétés industrialisées, celle de la médecine, s’est faite en adoptant résolument le paradigme scientifique, par nature matérialiste, considérant le corps comme un objet, vivant certes, mais objet tout de même. De là à considérer l’humain comme une chose, il n’y a qu’un pas, souvent franchi. Se décidant scientifique, la médecine s’est ainsi déshumanisée et ne conçoit ni ne développe de modèle philosophique sur la vie et le vivant. Elle envisage le corps vivant comme un système, sans le relier à ce qui lui est essentiel et l’anime : la conscience.
Trouver la santé
Enfin, le regard du médecin se porte sur ce qui ne va pas et non sur ce qui fonctionne. Imaginez-vous allant trouver votre médecin traitant et lui disant : « Docteur, je vais bien. Je viens vous voir pour aller mieux. » Il est fort à parier qu’il sera très désarçonné et désemparé par une telle demande et n’aura pas grand-chose à proposer. Pourtant, la même demande faite à un acupuncteur, un homéopathe ou un ostéopathe ne provoquera pas la même stupeur. Pourquoi ? Une réponse peut se trouver dans cette citation de Still : « Trouver la santé devrait être l’objectif du docteur. N’importe qui peut trouver la maladie. » (Philosophie de l’ostéopathie, p. 28)
Comme nous le savons tous, un organisme vivant n’est jamais parfait, mais il possède la capacité de gérer ses imperfections et dysfonctionnements pour maintenir une certaine harmonie. Lorsque l’harmonie règne, l’organisme manifeste la santé, d’autant plus stable que l’harmonie s’établit facilement. Chez une personne qui va bien, l’acupuncteur trouvera donc des déséquilibres mineurs dans les circulations d’énergie qu’il pourra améliorer, l’homéopathe découvrira des faiblesses constitutionnelles latentes qu’il tentera d’amender et l’ostéopathe trouvera des restrictions de mobilité qu’il cherchera à corriger. Dans chacun de ces cas, la santé se trouvera renforcée.
Il s’agit bel et bien de prévention. Et si l’on considère le coût matériel, financier et surtout humain de la maladie au sein des sociétés développées, les approches préventives qui permettraient une notable diminution de ces charges méritent une particulière attention.
La médecine technique et ses revers
Le choix scientifique a non seulement conduit la médecine à ne voir que la partie objet du vivant, mais l’a également conduit à privilégier la technicité, je dirais même la haute technicité. Elle a ainsi mené des percées aboutissant à des réussites spectaculaires dans de nombreux domaines : réanimation, anesthésie, chirurgie et pratiquement toutes les spécialités médicales aujourd’hui connues.
Et l’ordinaire ?
Mais ces réussites extraordinaires ont laissé à la traîne les demandes ordinaires de la plupart des patients. On estime en effet aujourd’hui que 70 % des patients qui consultent un médecin ne sont pas malades. Ils souffrent d’inconforts divers dont la plupart sont reliés à des difficultés banales de vie : hygiène de vie incorrecte, stress, non reconnaissance de la personne, non communication, etc. Face à cette demande, l’efficacité de la médecine repose sur l’utilisation intensive et quasiment exclusive du médicament dont l’objectif est d’atténuer ou de faire disparaître le symptôme. Si l’on se contente de ce critère pour définir l’efficacité d’une médecine, on peut dire qu’elle l’est, véritablement. L’équation malaise ou maladie + médicament = santé est aujourd’hui solidement implantée dans nos mentalités. Le médicament est devenu symbole de guérison, au point qu’il n’est pas concevable de consulter un médecin sans obtenir une prescription de médicaments.
Inadaptation
Ainsi, non seulement le médecin, focalisé sur l’examen du système corporel, perd souvent de vue la personne, l’être qui l’anime, mais même s’il n’en est pas ainsi, les outils dont il dispose (le médicament, les outils techniques médicaux) sont souvent inadaptés par rapport à la demande.
Pour l’ostéopathe, mal-être et maladie sont des symptômes manifestant une difficulté du vivant. Le symptôme est témoin. Ce n’est pas en supprimant le témoin que l’on supprime la difficulté… Et à force d’étouffer les symptômes, le vivant finit par se rebiffer et créer des maladies graves, que la médecine, fût-elle de pointe, ne maîtrise pas forcément.
La santé comme un droit
La médecine, devenue une affaire de « spécialiste », conduit le patient à penser qu’il ne peut rien pour sa santé, qu’il n’est pour rien dans l’origine de ses maux, que c’est finalement la « faute à pas de chance ». Par ailleurs, le lobby médical a réussi le tour de force de faire prendre en charge la santé par la collectivité, nous amenant à penser que notre santé dépend non seulement du système médical, mais qu’elle est un droit et que sa conquête ou sa reconquête ne dépend pas de nous-mêmes, mais d’un système extérieur, en l’occurrence le système médical, soutenu par l’état.
Un engouement pour d’autres approches
Tous ces éléments ont conduit nombre de patients à se tourner vers d’autres approches dites alternatives. Qu’il s’agisse d’ostéopathie, de médecine chinoise, d’homéopathie, etc., ces approches reposent pour la plupart sur un modèle, le plus souvent philosophique, situant l’homme dans l’univers. Là où la médecine technique, déshumanisée est inadaptée, ces approches alternatives proposent des solutions souvent beaucoup plus cohérentes parce que mieux adaptées au besoin réel des patients et de plus, moins onéreuses pour le patient et la collectivité. Elles interviennent dans le domaine de la prévention. Cela explique sans doute l’engouement de plus en plus grand pour ces approches alternatives.
Un avenir prometteur
Quelles que soient les modalités d’enseignement et de pratique de l’ostéopathie, il est fort à parier qu’elle continuera de se développer de manière significative.
Il y a encore peu, s’aventurer chez l’ostéopathe, c’était aller au-devant de quelque aventure incertaine et peut-être dangereuse. La récente légalisation a levé cette réticence qui retenait jusqu’alors nombre de personnes de consulter un ostéopathe.
La légalisation a également libéré les médias qui n’hésitent plus aujourd’hui à présenter l’ostéopathie. Ainsi paraissent de plus en plus d’articles la présentant et vantant ses mérites.
Enfin, l’ostéopathie répond avec efficacité, innocuité et pour un coût relativement peu élevé (comparés à ceux du système médical classique) à bien des demandes courantes des patients, constituant donc une alternative thérapeutique intéressante au système médical déjà existant qu’elle ne se propose d’ailleurs pas de remplacer, mais d’épauler.
C’est ici que l’union à notre source demeure, selon moi, un élément essentiel et déterminant nous permettant de ne pas oublier nos essentiels, de nous y rattacher et de fournir ainsi le service que sont en droit d’attendre nos patients. La qualité de ce service reste sans doute le meilleur garant de notre persistance.
Les livres de Still
Still a écrit quatre livres, tous à la fin de sa vie. Dans l’ordre chronologique, l’Autobiographie (1897), Philosophie de l’ostéopathie (1899), Ostéopathie, Philosophie et principes mécaniques (1892-1902) et enfin Recherche et pratique (1910).
De son propre aveu, Still n’était pas un homme de plume. C’est poussé par ses amis, son entourage et la pression des circonstances qu’il décidera finalement d’écrire.
Autobiographie (1897)
Dans ce livre, Still fait le récit de sa vie, selon son propre point de vue. « Si nous considérons le besoin pressant en manuels d’ostéopathie, ce projet pourrait sembler un exercice purement égotique, mais il existait une forte demande concernant l’histoire de la vie de Still et de la découverte de l’ostéopathie. » (C. Trowbridge, 1999, 245).
Ce livre permet de découvrir le contexte – époque et lieu – dans lequel a vécu Still. Nous y apprenons certes beaucoup de choses sur l’homme est sa vie, mais comme le fait remarquer C. Trowbridge : « Malheureusement, dans l’Autobiographie, les détails de la vie de Still sont trop sommairement présentés. Pourtant, bien que les années passées au Kansas – les souvenirs concernant la période la plus traumatisante de sa vie – soient particulièrement vagues, le caractère et l’éducation de cet homme ressortent clairement. Dans les nombreuses pages consacrées à la philosophie évolutionniste, ses descriptions et comparaisons allégoriques semblent étranges et excentriques pour qui n’est pas familier des prêches péremptoires des réunions de camp du dix-neuvième siècle. L’influence de cette rhétorique est présente de manière évidente dans son livre. » (C. Trowbridge, 1999, 245).
Quoi qu’il en soit, voilà une lecture qui, bien que difficile permettra de mieux cerner, de mieux comprendre le personnage et les circonstances de vie extraordinaires qui ont finalement abouti à la création de l’ostéopathie.
Éditions Sully : ISBN 978-2-35432-207-6
Philosophie de l’ostéopathie (1899)
L’Autobiographie ne donnait que peu d’indications sur la nature profonde de l’ostéopathie. C’est encore poussé par ses proches, ses amis et les circonstances que Still s’est enfin décidé, non sans quelques précautions de présentation, à écrire et publier la Philosophie de l’ostéopathie : « Depuis que l’ostéopathie est devenue un fait établi, beaucoup de mes amis se sont souciés de me voir écrire un traité sur la science. Mais je n’étais pas du tout convaincu que le temps fût venu pour une telle présentation, et aujourd’hui encore, je me demande si ce n’est pas un peu prématuré. L’ostéopathie est encore dans l’enfance, c’est une grande mer inconnue venant d’être découverte, dont nous ne connaissons aujourd’hui que l’étendue du rivage » (p. 31).
« En voyant que certains, ayant tout juste effleuré la surface de la science, ont pris le stylo pour écrire des livres sur l’ostéopathie et, après avoir attentivement examiné leurs présentations, découvert qu’ils buvaient aux fontaines des vieilles écoles des drogues, tirant la science en arrière vers les systèmes mêmes dont je me suis séparé il y a tant d’années, et réalisant que des étudiants affamés étaient prêts à gober ce poison mental et tout le danger qu’il représente, je me suis convaincu de la nécessité d’écrire une littérature ostéopathique destinée à ceux qui désirent être informés. » (p. 32).
Ce livre nous propose réellement le concept philosophique tel que l’envisageait Still. Et même si, avec le recul d’un siècle, le texte paraît souvent désuet, plein d’affirmations et d’hypothèses que nos connaissances actuelles invalident ou relativisent, on y découvre intactes la puissance et la stabilité des fondements de l’art ostéopathique et sa grande originalité, toujours aussi évidente malgré le temps écoulé.
Éditions Sully : ISBN 978-2-91107-464-6
La Philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie (1892-1902)
Still réprouva toutes les tentatives de publications de livres sur l’ostéopathie effectuées par ses élèves. Ces publications agirent sur lui comme stimulant, amenant le Vieux Docteur à donner suite à son ambition d’écrire un livre « aussi grand que l’Anatomie de Gray et qui s’appellerait Treatment by A. T. Still (Traitement par A. T. Still) complété de planches de coupes anatomiques en couleurs destinées à montrer les causes de la maladie. Son ambitieux projet ne fut jamais totalement réalisé, mais avant sa mort, il s’arrangea pour publier des livres plus pratiques sur la pratique spécifique de l’ostéopathie. » (C. Trowbridge, 1999, 249).
La première tentative semble avoir été La Philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie dont le premier copyright date de 1892, mais qui ne fut publié, nous précise C. Trowbridge, qu’en 1902 et mystérieusement retiré de publication sans explication (C. Trowbridge, 1999, 249).
Ici, Still présente beaucoup plus en détails sa manière d’envisager les différentes parties du corps et de les traiter comme un « mécanicien de la vie ». Il aborde également les différentes maladies et fièvres, ainsi que la manière dont il les traitait. Un chapitre entier est consacré à l’obstétrique et nous permet de connaître le point de vue stillien sur tout ce qui concerne le développement du fœtus et la naissance. Enfin, un chapitre entier est consacré au concept biogénique qui reprend les grandes idées de Spencer sur la vie et son fonctionnement.
Éditions Sully : ISBN 978-2-35432-098-0
Ostéopathie : Recherche et pratique (1910)
Voici l’ultime ouvrage de Still. Ce livre peut, à juste titre, être considéré comme un résumé de tout son chemin ostéopathique et comme un testament légué à ses successeurs. Il y rappelle tous les fondements déjà présentés dans les ouvrages précédents et développe pour la première fois de manière exhaustive le concept de blood seed (ensemencement sanguin), fondement essentiel de l’ostéopathie. De manière beaucoup plus détaillée que dans la Philosophie et les principes mécaniques de l’ostéopathie, Il y développe la conception qu’il a des différentes parties du corps et de leur fonctionnement ainsi que le traitement qu’il propose pour toutes les régions du corps et leurs maladies.
C’est dans cet ouvrage que l’on trouve le plus d’allusions aux techniques qu’il utilisait. Cet ouvrage jette également les bases de ce qui deviendra la démarche de l’ostéopathe, que John Martin Littlejohn passera une grande partie de sa vie à affiner en la fondant sur une compréhension physiologique de l’homme debout.
Éditions Sully : ISBN 978-2-35432-087-4
Livres sur Still
La présence d’Andrew Taylor Still (Arthur Hildreth)
Contemporain de Still, Arthur Hildreth a été un de ses plus proches collaborateurs depuis la création du collège de Kirksville en 1892, jusqu’à la fin de sa vie.
Hildreth est un personnage particulièrement important dans l’histoire de l’ostéopathie. Il a très tôt fait partie du corps enseignant du collège de Kirksville et en fut même un temps directeur. Il a également joué un rôle très important dans le développement des premiers temps de l’ostéopathie et dans le lobbying qui conduira finalement à la reconnaissance de l’ostéopathie par les premiers états.
Dans cet ouvrage, il raconte les premiers temps de l’ostéopathie, ses débuts de praticien, il parle également de la manière dont travaillait Still. Ce qu’il nous dit sur la pratique ostéopathique de ces premiers temps peut nous surprendre.
Les ostéopathes soignaient toutes les pathologies (il faut dire que la médecine de l’époque de Still dans le Middlewest américain était particulièrement indigente). Ils voyaient les patients très souvent, avec des séances souvent très courtes, répétées fréquemment sur des périodes de temps parfois longues. Évidemment, nous sommes aujourd’hui loin de cette pratique. Pourtant, cela nous permet de nous rendre compte que l’ostéopathie propose autre chose qu’une simple approche de « confort ».
Dans son ouvrage, Hildreth évoque également l’institution Still-Hildreth qu’il a créée à Macon, Missouri, en 1914 pour traiter les patients atteints de maladies psychiatriques. Il évoque les succès obtenus par l’approche ostéopathique sur ces maladies. (un article paru en 1929 dans Le journal de l’ostéopathie est disponible sur le site Internet de l’ATO)
Éditions Sully : ISBN 978-2-35432-253-3.
Naissance de l’ostéopathie Carol Trowbridge
Cadre administratif au collège de Kirksville, Carol Trowbridge s’est passionnée pour l’histoire de Still et de sa famille, et pour la genèse de l’ostéopathie. Suivant Still à la trace dans tous les lieux où il a séjourné, elle a réuni une documentation exceptionnelle et nous fait revivre le cheminement de ce chercheur invétéré. Ce texte nous éclaire particulièrement sur le contexte de l’époque et du lieu, sur les influences qui ont permis à Still de donner forme à son concept. La lecture de ce livre est indispensable à toute personne désirant comprendre comment est née l’ostéopathie et découvrir tout ce qu’elle rassemble sur le plan philosophique, spirituel et scientifique.
Éditions Sully : ISBN 978-2-35432-039-3
De l’os sec à l’homme vivant John Lewis
John Lewis, ostéopathe gallois a passé de nombreux séjours à Kirksville pour poursuivre des recherches sur la vie d’A.T. Still et la naissance de l’ostéopathie. Il a pu à loisir explorer une masse importante de documents rassemblés là, dont beaucoup n’avaient même pas encore été examinés.
Survoler le texte pour me faire une idée de son contenu a brutalement réveillé l’enthousiasme et la passion pour l’histoire de l’ostéopathie, tout à coup aussi vifs que lorsque j’avais découvert son Autobiographie en 1996.
De plus, j’ai également retrouvé dans le court texte de présentation de John Lewis un élément essentiel qui avait émergé chez moi lors de la traduction d’Autobiographie : la sensation que ce que l’on enseignait sous le nom d’ostéopathie n’était qu’un bien pâle reflet, une imitation en toc, de ce que Still concevait.
Par ailleurs, au fil des pages, Lewis fait ressortir une idée qui m’est également chère : que l’ostéopathie est avant tout – avant même d’être une médecine manuelle – une philosophie, que l’on n’est pas ostéopathe parce qu’on pratique des techniques dites ostéopathiques, mais parce que l’on vit la philosophie ostéopathique proposée par Still.
DryBone Press ISBN 978-0-9572927-3-4
Biographie d'un thérapeute de la transe
Adam Crabtree
L’hypnose et l’évocation des potentiels humains
Traduction, édition Pierre Tricot, 274 p., ISBN : 9798861201377
Sur Amazon : format Kindle et broché
Le test du canard : méfiez-vous des contrefaçons
Vous connaissez le test du canard ? (en anglais duck test) c’est un type d’inférence qui, dans sa forme la plus fréquente, s’énonce ainsi : « si ça ressemble à un canard, si ça nage comme un canard et si ça cancane comme un canard, c’est un canard. » Ce raisonnement analogique implique qu’un sujet peut être catégorisé d’après certaines de ses caractéristiques apparentes.
Lire la suite : Le test du canard : méfiez-vous des contrefaçons
Sur les traces d'Andrew Taylor Still
Loïc Rodrigues
Carnet de voyage d'un jeune ostéopathe à Kirksville, le berceau de l'ostéopathie
180 p., Pour se le procurer, cliquer ici
Transe
Je voudrais évoquer avec vous un livre déjà ancien d’un psychologue américain, Adam Crabtree dont le titre anglais est : Transe Zero (1997) Paru en français en 2002 sous le titre Nos états de transe au quotidien, publié par les éditions Le Souffle d’Or. Republié en 2005 sous le titre Seriez-vous sous influence ? : Retrouvez votre vraie identité.
Mort aux cons !
Voilà un titre pour le moins provocateur ! J’en conviens et c’est tout à fait volontaire. Cela évoque un meeting politique auquel participait De Gaulle (c’était à la fin des années 50, la préhistoire, pour les jeunes ostéopathes d’aujourd’hui). Dans l’état de transe collective que déclenche généralement ce genre de manifestation, un participant hurla dans un rare moment de silence (un still-point égaré, peut-être 😉) : « Mort aux cons ! » et De Gaulle, de répondre, très flegmatique : « Vaste programme ! »
Podcast - Grégory Planet
L'homme multiple
Adam Crabtree
Explorations dans les domaines de la possession et des personnalités multiples
Traduction, édition Pierre Tricot, 319 p., ISBN : 9798852851024
Sur Amazon : format Kindle et broché.
Les valeurs de l'approche tissulaire de l'ostéopathie
Pierre Tricot, Alain Decouvelaere
On n’enseigne pas ce que l’on croit ou ce que l’on croit savoir.
On n’enseigne et l’on ne peut enseigner que ce que l’on est.1
Il nous arrive parfois, au sein de l’ATO, de nous demander pourquoi l’ostéopathie, tant combattue dès son origine, perdure encore aujourd’hui, malgré tout bien vivante, alors qu’au cours de l’histoire ont existé des hommes géniaux et des systèmes thérapeutiques efficaces qui n’ont pas perduré, ne laissant même parfois que peu ou pas de traces.
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