La réalité du mouvement en ostéopathie, intimement liée à la complexité de l’homme et du vivant, se heurte cependant au paradigme scientifique, parfois inadapté à l’évaluer. Nous verrons donc en profondeur ce qui relie et ce qui différencie le mouvement du scientifique du mouvement de l’ostéopathe.

Ces deux réalités, parfois si différentes, nécessitent pour les comprendre de se reposer la question du réel, de la matière qui le compose, du mouvement qui le caractérise, de l’énergie qui l’anime et de la vie qui en découle. Elle aboutit ainsi à une véritable philosophie et une cosmologie qui vont bien au-delà de la simple pratique manuelle, en accord complet avec la vision de son créateur, le docteur Andrew Taylor Still : « esprit, matière et mouvement ».

{tab=Table des matières}

Préface de Mathieu Ménard
Introduction

PARTIE 1 • MOUVEMENT ET OSTÉOPATHIE

Valentin, première consultation
Mouvements du corps
Valentin, deuxième consultation
Le mouvement altéré
Katy, première consultation
Toucher et palpation
Katy, suite de première consultation
Palpation ostéopathique (première partie), avoir
Katy, fin de première consultation
Palpation ostéopathique (deuxième partie), être
À l’école le matin
Au-delà du toucher
À l’école l’après-midi
Tester les mouvements
Katy, deuxième consultation
Restaurer le mouvement

PARTIE 2 • MOUVEMENT, SCIENCE ET METAPHYSIQUE

Paradigme scientifique
Réductionnisme et expérimentation scientifique
Science et mouvement
Science et ostéopathie
Paradigme religieux
Le monde et le réel
La matière
Le mouvement
L’énergie
La vie
La cinquième force
Émergence et organisation

{tab=Préface}

Les ostéopathes partagent avec maintes disciplines médicales et scientifiques la même thématique d'étude : le corps humain. Au vu de la complexité de l'entreprise, on saisit l'envie de ces disciplines de le scinder pour l'examiner partie par partie. Or, le lien entre ces parties est décisif et l'une des façons de l'explorer est l'analyse du mouvement.
À travers le rédt d'une consultation pédiatrique, l'auteur nous plonge très habilement dans ce qui fait l'essence de notre profession : le mouvement. Souvent perdues de vue, l'auteur nous rappelle les définitions de concepts simples (mobilité, écoute, induction, etc.). À une époque où la profession évolue à une vitesse exponentielle, la communication des ostéopathes manque encore de clarté vis-à-vis des patients et des autres professionnels. Les informations contenues dans ce livre apporteront au lecteur (qu'il soit étudiant, patient ou professionnel) des éléments de compréhension sur la consultation ostéopathique. En complément, l'auteur nous dévoile des éléments cruciaux pour évaluer la qualité et la quantité de mouvement lors de la palpation ostéopathique. Autant de notions que l'auteur, enseignant et ostéopathe aguerri par trente ans de pratique, a eu le temps de mûrir pour nous les présenter dans cet ouvrage.
Comme toutes les professions médicales et para- médicales, l'ostéopathie a pour responsabilité de confronter sa prise en charge à l'état des connaissances scientifiques à un instant T. Une partie des tests et des techniques employés par les ostéopathes est fondée sur l'expérience de leurs pairs ou sur les travaux expérimentaux de certains précurseurs en ostéopathie. À ce jour, peu d'études scientifiques ont réellement pu objectiver l'efficacité du traitement ostéopathique. Il y a donc un vrai besoin de rechercher des déterminants fiables et mesurables pour la compréhension et le suivi de la prise en charge ostéopathique.
De nos jours, la mesure du mouvement humain est associée à de nombreuses pratiques professionnelles telles que la médecine physique, la rééducation postopératoire, l'ergonomie et le sport. Cependant, la compréhension du lien entre les causes de survenue et le traitement reste encore parfois obscure. L'ostéopathe a sa place car son objectif est « comme l'antiquaire qui teste les différentes faces d'un coffret rare et ancien, de rechercher un fermoir caché », solution de l'énigme clinique du patient. Malgré le désir grandissant de développer la recherche en ostéopathie, de nombreuses interrogations soulevées par l'auteur subsistent : l'ostéopathie doit-elle obtenir à n'importe quel prix un statut scientifique ? Est-ce que sa pratique et son enseignement seront dénaturés par l'intégration des connaissances scientifiques d'aujourd'hui ? Existe-t-il d'autres orientations méthodologiques à explorer que celles classiquement admises par la recherche médicale ? L'auteur nous propose des perspectives méthodologiques et nous rappelle que nous n'avons peut-être pas encore inventé tous les outils nécessaires à l'évaluation de cette discipline : « le télescope du toucher ». D'ici là, continuons d'expérimenter pour faire progresser cette discipline. D'ailleurs, comme le rapportait Viola M. Frymann D.O, le concept ostéopathique ne doit-il pas être en perpétuel développement ?

Mathieu Ménard, ostéopathe D.O
Docteur en Biomécanique
Enseignant-chercheur à l'Institut d'Ostéopathie de Rennes
Chercheur associé au laboratoire Mouvement Sport Santé, Rennes

{tab=Introduction}

La connaissance du monde nous dit qu'il est défini par son mouvement, comme principe premier et universel. De l'expansion de l'univers aux déplacements des particules infinitésimales, en passant par les mouvements des galaxies, des étoiles, des planètes et des atomes, du Big Bang à la révolution de l'internet, tout est en mouvement, en permanence. La vie elle-même est caractérisée par son mouvement, un des principes premiers qui la différencient de l'inanimé. Dans le questionnement philosophique également, le monde est défini par l'idée de mouvement, depuis Thaïes, dont la question principale était « qu'est-ce qui persiste à travers tous les mouvements ? », jusqu'aux concepts d'émergence et d'organisation, qui conçoivent l'évolution du monde comme un mouvement permanent.
Or que fais-je quand je fais de l'ostéopathie ? En premier lieu je pose ma main sur mon patient. C'est donc un mouvement. Puis j'appuie, plus ou moins fortement mais toujours, dans une direction quelconque pour percevoir ce que je cherche à percevoir ou ce que les tissus me donneront à percevoir, toujours un mouvement. Et même si ma pression est infime, elle est (sinon il n'y aurait pas contact) et elle implique une réponse, une résistance du tissu contacté, qui n'est somme toute qu'un mouvement contrarié par ma pression, que je perçois. Ainsi posé, je n'ai que deux possibilités. Je peux induire d'autres mouvements pour pratiquer mes tests et mes techniques, destinés à percevoir et corriger les mouvements des tissus du corps. Ou bien je peux rester immobile et « écouter » respirer les tissus, c'est-à-dire percevoir leur mouvement propre. S'ils ne bougent pas, je ne perçois rien d'autre que le mouvement contrarié de résistance à ma pression. S'ils bougent indépendamment de moi, je peux percevoir ce mouvement propre. Ainsi dans l'acte ostéopathique, tout est également mouvement, essentiellement du mouvement.
Alors il devient intéressant, voire essentiel, d'analyser les rapports entre ostéopathie et mouvement. L'ostéopathie étudie les mouvements des tissus du corps à la recherche de mouvements altérés, perturbés, bridés ou perdus qui affaiblissent la fonction, pour les corriger... par le mouvement. Et redonner de la vie. Pour cela, elle n'utilise qu'un outil, la palpation ostéopathique, issue de sa capacité de toucher, fruit d'un long et très précis apprentissage. Grâce à elle, l'ostéopathie a inventé des tests et des techniques manuelles spécifiques, lui permettant d'effectuer cet art si subtil.
Dans une première partie, le lecteur va pouvoir découvrir, au fil de quelques consultations et de journées d'enseignement, ce qu'est le mouvement naturel d'un tissu et son homologue le mouvement altéré, comment ils sont perçus sous la main, grâce à une analyse complète de la palpation ostéopathique, comment ils sont objectivés et corrigés, par l'étude des différents tests et techniques spécifiques.
Dans une deuxième partie, nous verrons pourquoi la singularité du mouvement en ostéopathie, intriquée avec la complexité de l'homme et de la vie, se heurte cependant au paradigme scientifique, parfois inadapté à l'évaluer. La science, réductionniste, conçoit le mouvement de l'extérieur, comme une succession d'états, de points immobiles normés dans l'espace et le temps, et non comme une action, une durée directement perçue dans sa totalité complexe et inexprimable. Nous verrons donc en profondeur ce qui les différencie et quelles peuvent être les solutions pour accorder science et ostéopathie.
Ces deux réalités parfois différentes nécessitent pour les comprendre de se reposer la question du réel, de la matière qui le compose, du mouvement qui le caractérise, de l'énergie qui l'anime et de la vie qui en découle. Ce sera l'objet de la troisième et dernière partie, qui aboutira ainsi à deux idées essentielles et fondatrices, l'universalité de la vie et l'organisation du monde comme un principe unique, l'énergie, formant une véritable philosophie et une cosmologie allant bien au-delà de la simple pratique manuelle.