{tab=Introduction}

Introduction

Depuis que j'ai découvert l'ostéopathie, je dessine rapidement ce que mes mains perçoivent des tissus de mes patients. Comme une bande dessinée, ces images toutes simples reflètent un invisible de leurs corps qui évoluent en même temps que leurs progrès ; cela les étonne !

Bien sûr, pour un ostéopathe, dire, écrire ou dessiner ce qu'il perçoit n'est pas indispensable. Il lui suffit d'écouter, d'observer, de percevoir et de soigner ! La fine approche tactile de l'iDEST y suffit complètement. Mais quelle que soit la méthode d'évaluation ou de soin utilisée, l'iDEST peut se déployer pour expliquer à nos patients ce que nous avons fait et garder une trace de notre travail ; c'est un devoir professionnel minimum et il est possible d'en rendre compte d'une manière intelligible par tous, y compris à l'occasion d'une expertise.

L'iDEST Ostéo est une méthode d'analyse tactile qui permet d'objectiver les dysfonctions corporelles inscrites dans une globalité. Couplée avec une approche intersubjective originale, le diagnostic ostéopathique gagne ainsi en fiabilité. Il est alors possible de représenter ces dysfonctions de façon imagée et de rendre compte de l'évolution des soins.

Dans les années 2008, au cours de ses études, un ami élève à la British School of Osteopathy m'a suggéré de venir transmettre les bases de ma méthode d'évaluation ainsi que celles de ma pratique à des étudiants de son école. En Grande-Bretagne, les étudiants peuvent faire venir des enseignants à titre privé dans les locaux de leur collège. Ainsi, pendant quelques années, j'ai pu entrer à Londres dans la plus vieille école d'ostéopathie d'Europe. Les questions en toute langue de ces étudiants m'ont interpellé. Cet ouvrage en reformule notamment les réponses et son contenu s'ouvre maintenant à tous.

La variété des stagiaires que j'ai rencontrés a contribué à la mise en forme de ce travail. Tous se sont montrés des ostéopathes attentifs à des patients uniques. Ils savent que leur toucher au sein des différentes structures dures, molles ou liquides du corps, interagit sur une systémique dont certaines altérations de la mobilité peuvent être source de perturbations de tout ordre, voir de maladie. Si préventivement ou pour restaurer la santé, tous cherchent à résoudre les restrictions de mobilité1, leurs méthodes de soins sont très nombreuses.

Ainsi, pour résoudre les restrictions de mobilité, il existe, pour simplifier, deux manières de procéder : les méthodes « directes » et « indirectes. » L'image d'un enfant accompagné d'un adulte qui hésite pour traverser la rue peut nous aider à comprendre.

  • les méthodes « directes »1 sont un peu comme si l'adulte décidait de faire traverser l'enfant en le tirant soudainement, par la main. Ainsi, ces méthodes ajustent directement la zone en restriction à l'aide de manipulations rapides pour faire jouer un réflexe de détente. La mise en œuvre de ces manipulations se voit et parfois une articulation peut émettre un craquement.
  • les méthodes « indirectes » sont un peu comme si l'adulte éloignait l'enfant du bord du trottoir pour attendre de le sentir prêt, avant d'accompagner sa traversée. Ainsi les méthodes « indirectes », se servent des dysfonctions des tissus pour les résoudre. La mise en œuvre de ces manipulations se devine et les tissus ne font pas de bruit.

Bien sûr, en fonction des besoins, toutes ces manières de procéder peuvent être utilisées au cours d'un même soin et il existe de très nombreuses sous-branches.
Pourtant, visionnaire, le Dr Still écrivait déjà :

« Et lorsqu'un praticien n'utilise pas la même méthode qu'un autre, cela ne démontre aucunement l'ignorance criminelle de la part de l'un ou de l'autre, mais simplement deux moyens différents pour obtenir un même résultat. »2

Il me faut encore dire que les recherches faites, a posteriori, pour élaborer ce document m'ont permis, grâce à de fidèles confrères et amis de comprendre que je n'avais fait que redécouvrir ou dire avec des mots adaptés un certains nombre de réalités que nos maîtres et en particulier J.E. Upledger avaient parfois déjà exprimées autrement.

Alors que l'essentiel de la rédaction de ce travail était accompli, ma participation au tout nouveau Diplôme Universitaire de philosophie de l'ostéopathie de l'UCLY de Lyon a été précieuse pour donner du sens à mes intuitions, nommer mes pratiques empiriques, découvrir que j'utilisais sans le savoir, depuis longtemps, une forme d'intersubjectivité et que cette manière de faire a une valeur scientifique.

Puisse ce travail contribuer à mieux comprendre des incompris de la microphysiologie et faciliter l'accès à un diagnostic ostéopathique original.

Luc Le Moal, Montpellier, mars 2017

1. Parmi les méthodes indirecte, la méthode « biodynamique », est à l'image de ce que l'enfant ressent de la présence de l'adulte ; elle lui permet de traverser seul la rue. Ainsi dans les méthodes « biodynamiques », les mains du praticien Induisent un non agir-réceptif qui permet la résolution de la dysfonction. La mise en oeuvre de ces manipulations est discrète.
2.  Still A.T., 2009, Ostéopathie, recherche et pratique, trad. Pierre Tricot, Vannes, Sully, p. 44.

{tab=Présentation}

Ce document sur l'iDEST Ostéo se décline en trois parties :

  • Dans la première partie, après la définition de l'iDEST et quelques éléments de son histoire, vous trouverez, pour faciliter notre cheminement, des rappels physiologiques, des bases à propos du toucher, des perceptions et de leurs représentations, puis les aspects philosophiques, scientifiques et ostéopathiques qui enracinent cette démarche.
  • La seconde partie explique comment le déroulement de la méthode se déploie avec l'iDEST Simple, puis l'iDEST Global. Ces deux phases se complètent pour aboutir à la proposition d'une typologie qui, après avoir esquissé les entrées posturales, débouche sur l'iDEST Analytique.
  • La troisième partie montre d'abord, au travers d'un exemple pratique, comment s'établit la démarche de soins et le déroulement des consultations, puis elle propose des réponses aux questions courantes des patients. Enfin, elle envisage une relation soignant-soigné dans l'esprit de l'iDEST.

L'iDEST Ostéo est une méthode pratique qui s'inscrit dans une philosophie, un art et une science de l'évaluation par le toucher; c'est très vaste. Le but de ce document n'est pas d'être exhaustif mais simplement de consigner les éléments constitutifs de la méthode pour que les bases communes permettent la communication entre ceux qui la pratiquent et ceux qui la découvrent.

Un document complémentaire est envisagé : il approfondira les viscères de la tête et des dents, ceux du thorax et de l'abdomen, les os et les muscles, ainsi que les entrées posturales.

Un glossaire rassemble à la fin de ce livre quelques mots qui ont besoin d'être expliqué.

Cette présentation est faite sous forme de question - réponse.

Elles sont le reflet d'une transmission directe, interactive, à l'image d'un compagnonnage, tel que nous avons déjà commencé à le vivre ces dernières années.

À qui peut servir l'iDEST Ostéo ?

D'abord au patient. Avec l'aide de son ostéopathe, il peut observer une représentation imagée de son organisation corporelle, trouver des explications à ses maux et des réponses à ses questions. Ensuite aux thérapeutes manuels qui sont intéressés par l'utilisation de l'iDEST Ostéo.
Cette méthode peut rendre des services :

aux ostéopathes
- curieux d'apprendre un système d'évaluation qui relève d'un instantané perceptuel délicat ;
- qui ont une orientation structurelle et qui souhaitent développer un toucher original pour mettre en valeur l'effet de leur travail sur la cohérence des fonctions tissulaires ;
- qui ont une orientation « crânienne », fonctionnelle ou biodynamique pour structurer la mise en œuvre de leurs consultations et visualiser le résultat de leur traitement ;
- qui sont à la recherche d'une approche diagnostique précise, homogène, cohérente qui jongle entre le global et l'analytique et donne sa place aux différentes composantes du réel que sont le qualitatif et le quantitatif, l'objectif et le subjectif.

pour les échanges cliniques
- ceux qui travaillent dans un dispensaire et qui souhaitent une méthode qui enrichit le suivi des ostéopathes quand ils se succèdent pour réaliser des soins sur une même personne.

pour la recherche
- dans une perspective scientifique, afin de valider les perceptions subjectives grâce à l'utilisation d'une méthode et d'un processus intersubjectif original ;
- afin d'utiliser les critères de cette méthode et de partager, au moins en partie, les expériences cliniques entre confrères.

et pour l'enseignement
- ceux qui animent des cliniques d'étudiants pour la rapidité et la fiabilité du diagnostic ; pour les guider en objectivant l’effet des soins en cours et leurs résultats.
- de l'ostéopathie clinique et pour ceux qui veulent faciliter la représentation de leurs connaissances, la compréhension et la communication des perceptions manuelles du corps humain entre professionnels.

Enfin aux étudiants qui souhaitent s'approprier un outil qui les accompagnera durant leur vie professionnelle pour donner un sens original à leurs diagnostics et à leurs soins.

{tab=Préface P. Tricot}

Voilà un ouvrage qui me semble fort utile. En effet, une des difficultés majeures dans nos relations avec d’autres professionnels de santé est l’objectivation des changements générés par nos interventions. Cela est particulièrement vrai pour ceux d’entre-nous qui travaillent en utilisant des approches directement ou indirectement issues de l’approche crânienne.

Bien sûr, la principale objectivation est l’amélioration de l’état de nos patients. Mais celle-ci ne suffit pas à rendre concret au niveau des tissus des patients et d’observateurs extérieurs ce que nous faisons.

L’idée de chercher à représenter et à objectiver ce que nous ressentons me semble excellente et je ne connais rien qui soit allé dans ce sens avec la même pertinence, le même sérieux et la même complétude que le présent ouvrage de Luc Le Moal.

À défaut de pouvoir quantifier réellement lesdits changements, cette approche constitue à mes yeux une grande première et il me semble que cette méthode devrait faire partie de la formation de base des praticiens dans les collèges. Cela pourrait aider considérablement les étudiants dans leur progression.

À plusieurs reprises, l’auteur nous parle de simplicité. Le concept est en effet simple et pris séparément, chacun de ses constituants l’est effectivement. Mais lorsqu’on accumule les différents couches d’expérience qui viennent se superposer les unes aux autres, ce n’est plus aussi simple que cela.

Pour l’auteur qui baigne là-dedans depuis l’origine, c’est évidemment simple. Pour celui qui progresse dans l’apprentissage, ça l’est probablement moins. Cela suffirait à mes yeux à pousser pour que ce processus soit enseigné dans les collèges, parce que la progressivité et le temps permettraient de gérer beaucoup plus facilement l’empilement du savoir et son articulation, en partant du très simple et en progressant lentement vers le plus complexe, démarche que propose d’ailleurs Luc Le Moal dans son ouvrage, à ce titre exemplaire.

De plus, cela permettrait de « formater » la démarche des étudiants en leur apprenant un système d’évaluation qui pourrait devenir universel, favorisant les échanges entre praticiens.

Ce livre me semble vraiment avoir une portée intéressante pour les praticiens.
J’espère qu’il aura le succès qu’il mérite.

Pierre Tricot

{tab=Table des matières}

I. L'iDEST Ostéo un art de l'évaluation par le toucher

1 - Définition, historique et grandes lignes de I'iDEST Ostéo
2 - L'iDEST et les perceptions
3 - Le mécanisme respiratoire primaire (MRP)
4 - Percevoir et représenter les perceptions

II - Les 3 « iDEST »

1 - L'iDEST Simple : dépister
2 - L'iDEST Global : orienter
3 - Proposition d'une typologie
4 - L'iDEST Analytique : soigner
5 - Les autres fonctions de I'iDEST Analytique

III - La démarche de soins

1 - Le déroulement des consultations
2 - Réponses aux questions courantes

Conclusions
Glossaire
Tableau récapitulatif des graphes et feuilles de soins
Bibliographie
Formation