Influence de Spencer sur la philosophie de Still
Martine Rainville, juin 2010, Montréal
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Résumé du mémoire
Cette recherche a pour objectif d’identifier la contribution des concepts philosophiques du philosophe anglais Herbert Spencer aux principes ostéopathiques développés par A. T. Still.
Même si la littérature fait généralement état d’un apport manifeste de l’évolutionnisme philosophique de Spencer aux théories stilliennes, l’association déclarée est toutefois peu documentée.
Cette étude souhaitait éclaircir et enrichir le sujet par un recensement et une analyse des principes ostéopathiques présents dans des textes de Still et de Spencer.
La méthode historique a été retenue comme outil méthodologique afin d’optimiser la cueillette d’informations contextuelles sur Still, Spencer et leur époque.
Les thèmes retenus sont : l’Ouest américain au XIXe siècle, les philosophies européenne et américaine au XIXe siècle ainsi que la vie et l’œuvre d’Herbert Spencer.
En vue de l’analyse des textes et en l’absence d’une liste concrète de principes ostéopathiques établie par Still, il a fallu procéder à la création d’une liste mixte de huit principes ostéopathiques à partir de deux autres listes existantes : celle de Louisa Burns (1922) et celle du Kirksville College of Osteopathy and Surgery (1953).
Les principes de cette liste mixte ont d’abord été validés par le biais d’une analyse de contenu préliminaire effectuée dans les quatre ouvrages de Still.
Puis, ils ont été utilisés à nouveau dans un second exercice d’analyse, portant cette fois sur tous les livres du Système de philosophie synthétique de Spencer.
À chacune des opérations d’analyse, des observateurs externes ont examiné et commenté les résultats obtenus.
L’analyse du contenu des ouvrages de Still a permis de valider la pertinence de la liste mixte proposée.
En ce qui concerne l’examen des volumes de Spencer, les résultats obtenus ont fait ressortir une correspondance dans la pensée des deux auteurs.
En effet, tous les principes, sauf un, ont été identifiés dans les écrits du philosophe.
De plus, les énoncés de Spencer relatifs aux principes ont généralement fait preuve d’une bonne association sémantique.
Les principes portant sur l’unité du corps et sur l’interrelation de la structure et de la fonction sont les thèmes les mieux représentés dans l’œuvre de Spencer.
Les concepts spencériens, antérieurs à la découverte de l’ostéopathie par Still, ont donc pu contribuer à organiser la vision ostéopathique philosophique et biologique de Still particulièrement en ce qui concerne son intérêt pour le courant médical du mécanicisme, son utilisation de la relation de cause à effet dans la conception de la santé et de la maladie ainsi que son adhésion au Connaissable et à l’Inconnaissable.
La recherche a également démontré que l’intérêt de Still pour la philosophie n’est pas fortuit et qu’il témoigne de la place prépondérante que cette discipline a occupée jusqu’au milieu du XIXe siècle, en tant que « savoir unifié ».
L’étude encourage de plus l’utilisation de l’histoire comme outil de recherche en ostéopathie afin de pénétrer et de décoder les faits, de valoriser le savoir scientifique antérieur et de stimuler la pensée critique lors de l’analyse de certains concepts ou théories.
Enfin, l’enracinement profond de l’ostéopathie dans le patrimoine des savoirs humains est un fait méconnu qui pourrait agir comme un levier utile dans le débat actuel de la reconnaissance de l’ostéopathie, en soulignant les caractères communs partagés avec d’autres domaines thérapeutiques officiels.
Dès mes premiers contacts avec l’ostéopathie, j’ai toujours été intriguée par les circonstances particulières ayant mené à la découverte par Andrew Taylor Still, en 1874, de cette approche thérapeutique novatrice. Les événements de la naissance de l’ostéopathie mettent en scène un esprit brillant, curieux, en opposition avec les courants médicaux du temps, évoluant dans le milieu physique rude et hostile du Midwest américain du XIXe siècle, milieu qui, en raison de l’âpreté des conditions de vie, laissait parfois peu de place à l’éclosion d’une vie intellectuelle riche et variée.
Dans son ouvrage soigné consacré aux écrits de Still, Still’s Fascia, Jane Stark mentionne que : « From Still’s personal history, it was apparent that Still had an average pioneer education, interrupted periodically by family relocations, farm life and the lack of schools in remote areas ». [traduction] « Le passé de Still révèle que celui-ci a reçu une éducation semblable à celle que recevait la plupart des colons, c’est-à-dire une éducation interrompue périodiquement par les déménagements familiaux, les travaux de la ferme et l’absence d’école rurale dans les régions éloignées » (Stark, 2007a, p. 73). Ma curiosité à l’égard de l’énigmatique parcours de Still, effectué dans des conditions de vie généralement modestes et souvent précaires, s’est appuyée sur certaines de mes expériences de vie qui ont affiné ma perception de l’importance de l’environnement dans le développement des individus et des sociétés.
Au début des années quatre-vingt, j’ai vécu au Yukon pendant un an dans une cabane en bois rond, sans eau ni électricité. J’ai pu alors mesurer l’importance des efforts devant être consentis pour satisfaire les besoins essentiels de base ce qui, en fin de compte, laisse peu de temps pour des activités d’autre nature. Même si cela a suscité mon admiration inconditionnelle pour tous les autochtones et les colons ayant traversé les époques d’avant la modernité, cela a par contre augmenté ma perplexité sur les facultés uniques de Still à développer l’ostéopathie dans son milieu pionnier rudimentaire. Par la suite, j’ai habité pendant dix ans et par intermittence, dans des pays étrangers. J’accompagnais alors mon conjoint qui travaillait pour la coopération canadienne. À chaque fois, la vie quotidienne déjouait ma vision préconçue des caractéristiques des populations d’accueil. En effet, une fois sur place, au contact avec le milieu réel, mes jugements hâtifs devenaient plus nuancés. Cette compréhension des choses se précisait lorsque l’on tentait de mieux connaître l’histoire nationale. L’histoire permet en effet de développer une dimension de profondeur dans l’étude des individus et des collectivités.
Cette recherche sera donc une incursion dans l’histoire de l’environnement de Still, et plus particulièrement dans son environnement philosophique, un domaine auquel, à mes yeux, on ne s’est pas suffisamment attardé dans l’œuvre stillienne. Cet état de fait peut provenir de la situation même de la philosophie dans le monde contemporain. En effet, la philosophie occupe maintenant un espace discret dans le monde des idées, comparativement à d’autres savoirs. Par contre, la réalité était tout autre au XIXe siècle où elle était considérée comme le savoir dominant tout autre. La compréhension des écrits de Still exige donc un plongeon dans le XIXe siècle afin de se rapprocher de l’état d’esprit et des courants d’idées propres à cette époque car, comme le souligne Alain Abehsera : « Comme toute découverte, l’invention de l’ostéopathie est le fruit d’un mélange savant d’idées, d’événements, de courants historiques supra-individuels » (Abehsera, 1986, p. 31).
SommaireIntroduction
Chapitre premier : Introduction au problème de la recherche
1.1 L’énoncé du problème
1.2 Les objectifs de la recherche
1.3 La définition des termes
1.4 La délimitation de la recherche
1.5 Les limitations de la recherche
Chapitre deuxième : La revue de la littérature, la justification ostéopathique et la question de recherche
2.1 La revue de la littérature
2.2 La justification ostéopathique
2.3 La question de recherche
Chapitre troisième : La méthodologie de la recherche
3.1 Le type de recherche
3.2 Les sources utilisées
3.3 L’acquisition de connaissances spécifiques sur le contexte philosophique et sociopolitique du XIXe siècle
3.4 L’élaboration des questions spécifiques de la recherche
3.5 La critique interne ou l’analyse de contenu
3.6 L’analyse des résultats
3.7 La discussion des résultats
Chapitre quatrième : Le contexte sociopolitique et philosophique du XIXe siècle
4.1 L’Ouest américain au XIXe siècle
4.11 L’expansion territoriale
4.12 La frontière
4.13 Les gens de la frontière
4.14 Le méthodisme
4.15 Synthèse
4.2 La philosophie européenne du XIXe siècle
4.21 Panorama philosophique des débuts au XIXe siècle
4.2.11 La Grèce antique
4.2.12 Deux courants : idéalisme et réalisme
4.2.13 Christianisme et philosophie
4.2.14 La Renaissance
4.2.15 Le monde moderne
4.2.1.6. Les Lumières
4.22 Au XIXe siècle : historicisme et progrès
4.2.21 Les sciences de la nature
4.2.22 La philosophie
4.2.3 Synthèse
4.3 La vie et l’œuvre d’Herbert Spencer
4.31 Jeunesse de Spencer
4.32 Spencer ingénieur
4.33 Premiers écrits
4.34 Influence grandissante de Spencer
4.35 Plan du Système de philosophie synthétique
4.36 Les Premiers principes
4.37 Principes de biologie
4.38 Succès international
4.39 Principes de psychologie
4.310 Principes de sociologie
4.311 Principes de morale
4.312 Voyage en Amérique
4.313 Fin de parcours
4.314 Synthèse
4.4 La philosophie américaine au XIXe siècle
4.41 Origines de la philosophie américaine
4.42 Le XIXe siècle
4.4.21 L’ère des professeurs
4.4.22 Le transcendantalisme
4.4.23 L’idéalisme
4.4.24 L’évolutionnisme
4.4.25 Le pragmatisme
4.43 Synthèse
Chapitre cinquième : L’élaboration des questions spécifiques de la recherche
5.1 La définition des principes ostéopathiques
5.2 L’établissement d’une liste mixte de principes ostéopathiques
5.3 L’élaboration des questions spécifiques de recherche
Chapitre sixième : L’analyse de contenu (la critique interne)
6.1 La validation des résultats obtenus lors de l’opération A/Still
6.2 La modification du nombre ou de la teneur d’une catégorie en fonction des résultats obtenus lors de l’opération A/Still
63 La validation des résultats obtenus lors de l’opération B/Spencer
Chapitre septième : L’analyse des résultats
7.1 La distribution des énoncés par catégories dans les ouvrages de Still et de Spencer
7.1.1 La distribution des énoncés dans les ouvrages de Still
7.1.2 La distribution des énoncés dans les ouvrages de Spencer
7.1.3 Les faits saillants de la distribution générale des énoncés
7.2 La distribution des énoncés par ouvrage et par auteur
7.2.1 La distribution des énoncés par ouvrage chez Still
7.2.2 La distribution des énoncés par ouvrage chez Spencer
7.2.3 Les faits saillants de la distribution des énoncés par ouvrage et par auteur
7.3 Un résultat complémentaire concernant la lésion ostéopathique
Chapitre huitième : La discussion des résultats
8.1 L’explication des résultats
8.1.1 Pourquoi Spencer ?
8.1.2 À propos de Principes de biologie
8.1.3 Certains courants médicaux à la source de l’inspiration de Spencer
8.1.4 Still et la philosophie
8.2 Les facteurs d’influence des résultats
8.2.1 L’étendue du corpus
8.2.2 La subjectivité du chercheur
83 Les retombées
8.3.1 La reconnaissance de l’utilisation de l’histoire comme outil de recherche en ostéopathie
8.32 L’ostéopathie comme légataire du patrimoine des savoirs humains
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Plan de la Philosophie synthétique
Annexe 2 : Résumé de la Philosophie synthétique
Annexe 3 : Compilation des énoncés de Still
Annexe 4 : Compilation des énoncés de Spencer
Annexe 5 : Bibliographie de Spencer
Annexe 6 : Lettres de consentement
Liste des tableaux
Tableau 1 : Ouvrages de Spencer consultés
Tableau 2 : Ouvrages de Still consultés
Tableau 3 : Proposition d’une liste mixte des principes ostéopathiques étudié
Tableau 4 : Nombre et pourcentage des énoncés par catégories dans les ouvrages de Still (n=186) et de Spencer (n=108)
Tableau 5 : Distribution des énoncés dans les ouvrages de Still (n=186)
Tableau 6 : Distribution des énoncés dans les ouvrages de Spencer (n=108)