Santé, vie, ostéopathie et eau
Anne-Catherine FROTON
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Résumé
Au travers de la philosophie et des concepts fondamentaux de l’ostéopathie selon son créateur Andrew Taylor Still et son élève William Garner Sutherland, ce mémoire présente d’une part une exploration de certaines recherches scientifiques concernant les fascias et plus précisément le rôle des molécules d’eau dans les échanges tissulaires.
Cela permettant d’éclairer sur les impacts cellulaires, biochimiques et électromagnétiques du geste thérapeutique manuel dans l’approche tissulaire et expliquer leurs effets sur la santé et la vie d’un individu.
Les résultats permettent de mieux comprendre les impacts du geste manuel sur la globalité corporelle du patient, ainsi que sur la transmission des informations mécaniques, biochimiques et électromagnétiques.
Par ailleurs, suite à ces découvertes, une explication pratique met en avant l’influence du thérapeute dans la relation soignant-soigné, par l’importance de la palpation, par les états manifestés dans le dialogue tissulaire et les conseils et attitudes à adopter pour améliorer son toucher, sa présence et son ressenti.
Ce sujet est abordé sur la base d’une expérience personnelle en tant que thérapeute, de lectures d’ouvrages de thérapeutes reconnus, d’articles scientifiques, de cours et de documents, d’échanges entre thérapeutes et de recherche de sensations tissulaires nouvelles en qualité d’ostéopathe.
Mots-clés : Ostéopathie, Approche tissulaire, Environnement, Santé, Fascias, Eau, Micromouvement interne, Impacts cellulaires, biochimiques et électromagnétiques, Dialogue tissulaire, Palpation, Présence, Intention, Amélioration du praticien.
Abstract
From the philosophy and the fundamental concepts of osteopathy according to its founder Andrew Taylor Still and his pupil William Gamer Sutherland, this work presents an exploration of scientific research concerning fasciae and more precisely of the role of water molecules on the fluid exchange in tissues.
This allows us to put some light on the cellular, biochemical and electromagnetic impact of the therapist manipulation on these tissues, and to explain their effect on the health and wider well being of the individual.
These results help us to better understand the effects that the physical manipulation on the body has on the mechanical, biochemical and electromagnetic transmissions.
Following these discoveries, a practical explanation is put forward on the impact that the therapist in a healer-patient relationship has through the medium of palpation and through the states manifested in tissues’ communication. Advice on the attitudes to be adopted to improve the therapist touch, presence and sensations are also presented here.
This topic is presented on the basis my personal experience as a therapist, of lecture of texts from recognized therapists, of scientific, lectures notes, as well as documents, of exchanges with other therapists and on the search for new tissue sensations as an osteopath.
Keywords: Osteopathy, Tissue approach, Environment, Health, Fascia, Pure water, Internal Movement, Cellular, biochemical and electromagnetic impacts, Tissues communication, Palpation, Presence, Intention, Therapist Improvement.
Introduction
La Santé de chacun, à chaque instant, repose sur plusieurs facteurs parmi lesquels : notre héritage génétique, les influences environnementales et la capacité d'adaptation aux agents stressants permettant d’obtenir un bien-être physique, mental et émotionnel optimal. Elle implique que tous les besoins fondamentaux affectifs, nutritionnels, relationnels, sanitaires, sociaux ou culturels de la personne soient satisfaits et représente la parfaite adaptation de l’organisme à son environnement permettant ainsi aux individus d’entretenir une dynamique, une vitalité, un élan nommé la Vie.
Santé et Vie sont deux notions indissociables dans la philosophie de l’Ostéopathie et celle de son créateur, Andrew Taylor Still. Elles illustrent les concepts théoriques et les courants idéologiques de cette pratique et nous les retrouvons régulièrement dans divers ouvrages. Celles-ci se basent sur les observations faites de la nature.
L’être humain, élaboré selon un ordre bien établi, est assimilé à un mécanisme de vie où les différents fluides qui y circulent sont construits selon les plans et caractéristiques absolument parfaits de la nature.
Le corps est une sorte de grand champ qu’il faut entretenir convenablement pour assurer sa survie, à travers une bonne nutrition et une bonne élimination des déchets.
Le fascia est ce champ, le terrain, le lieu de procréation, de développement et de vie.
Présent à tous les niveaux du corps, ce tissu conjonctif très riche en collagène et en élastine, issu du mésoderme embryonnaire, donne naissance à tous les tissus tels que os, muscles, dure- mère, séreuses, gaines des nerfs, vaisseaux sanguins et lymphatiques, reins et appareil urinaire. Il forme les enveloppes du corps, et assure son unité par l’intermédiaire de toutes les autres structures.
Still disait à ce propos : « Le fascia est le lieu où il faut rechercher la cause de la maladie et c ’est l’endroit à consulter et où démarrer l’action des remèdes dans toutes les maladies [...] Je ne connais aucune autre partie du corps égalant le fascia comme terrain d’investigation ».
Certains ouvrages ont amené au choix de ce sujet et chacun a apporté une progression dans son développement :
La vision philosophique de Pierre Tricot dans l'« Approche tissulaire de l’ostéopathie», amène à s’interroger sur le rôle du thérapeute et de la connexion entre deux personnes par les notions de toucher, de ressenti et de communication avec les tissus. Celle-ci se base sur les visions scientifiques et cohérentes du créateur de l’ostéopathie Andrew Taylor Still et d’un de ces élèves, William Gamer Sutherland, fondateur d’un nouveau concept cranio-sacré basé sur le mouvement des liquides du corps. Ce concept perçu tout d’abord comme ésotérique, va ensuite évoluer vers l’étude des fascias.
La rencontre avec Philippe Bourdinaud, alors enseignant pendant mes études, a enrichi ce travail. Auteur de Techniques tissulaires ostéopathiques peri-articulaires, son travail de recherche sur les fibres constituant le tissu conjonctif et l’action des molécules d’eau tente de démontrer l’origine de la mobilité micro-cinétique. Ce micro mouvement issu du mésoderme, expliquerait la possibilité de modifier l’élasticité des tissus par l’action de la main du thérapeute : « Après avoir passé plus de dix années à essayer de comprendre scientifiquement l’action de la main de l'ostéopathe sur le tissu humain, je me suis naturellement intéressé aux fascias. En effet, dès que l'ostéopathe pose la main sur un patient, il contacte inéluctablement un tissu omniprésent dans notre corps : les fascias, que les histologistes appellent tissus conjonctifs. »
Cela nous amène à nous poser ces questions quant à l’approche tissulaire :
- Comment, par notre toucher, pouvons-nous entraîner des changements observables dans la physiologie d’une autre personne afin d’entretenir l’état de santé ?
- L’eau joue-t-elle un rôle dans les échanges tissulaires ?
- Comment la présence du thérapeute fait appel à des processus mécaniques qui se déroulent dans les fascias ?
- Quels sont ces processus ?
- Jusqu’où le thérapeute a-t-il besoin de se connaître pour mieux agir ? Son implication professionnelle a-t-elle un impact sur le traitement et la guérison ?
- Si oui, quelles en sont les limites ?
Ce mémoire débute par la rédaction d’un préambule expliquant notre parcours, les étapes de réflexion et de lecture qui ont amené à ces interrogations, et à partir desquels ce travail de mémoire a pu être construit.
Dans une première partie, la philosophie et les principes de Still et de Sutherland, sur lesquels se base l’ostéopathie, éléments indispensables à l’introduction et au développement de ce sujet seront expliqués. Dans le but d’argumenter le titre choisi, il est primordial et intéressant de mettre en avant les causes responsables des états de maladie affectant la santé.
Puis, anatomie et fonction des fascias seront décrits en deuxième.
Dans la troisième partie, les théories les plus récentes seront exposées ainsi que de nouveaux éléments de réflexion notamment sur le rôle que peut jouer l’eau sur les fascias et ainsi tenter d’apporter un élément scientifique supplémentaire à l’action de la main du thérapeute.
La quatrième partie propose d’aborder le thème de la relation « soignant-soigné » par l’interactivité existant entre les deux personnes, le pouvoir de la palpation, l’importance de la communication tissulaire, de l’équilibre physique et psychique du thérapeute, l’état de présence et de l’intention amenée aux tissus afin de les traiter et permettre la guérison, et ainsi apporter un complément pratique à cette réflexion.
La conclusion finalisera le mouvement théorique et pratique de cette recherche, en répondant aux questions posées et en amenant à une discussion et une ouverture sur d’autres perspectives de pensées.
Préambule
Après dix années de pratique en tant que kinésithérapeute, j’avais atteint les limites des connaissances théoriques et pratiques que l’on m’avait enseignées.
Certes ma profession m’apporte de réelles compétences sur les techniques de rééducation au travers du mouvement et des échanges relationnels, mais quelque chose manquait à ma pratique. Les mouvements de grande amplitude, le toucher plutôt grossier, le massage ; je me complaignais dans cette pratique mais les résultats étaient aléatoires.
De formations en formations, sur le traitement des tissus mous, techniques myofasciales, trigger point et dry needling principalement et ktaping d’autre part, je me rapproche progressivement d’une satisfaction avec des résultats déjà plus évidents. Les premières questions se posent sur l’action des tissus mous et des fascias superficiels ou profonds dans les restrictions de mobilité et les conséquences sur la douleur.
Ma rencontre avec l’ostéopathie a constitué une véritable révélation tant cette pratique manuelle apportait de la réalité à mon ressenti, une explication scientifique et une logique relativement aux pathologies rencontrées au cabinet.
Ces cinq années d’étude m’ont énormément enrichie et ont réellement entraîné une remise en question personnelle et professionnelle en modifiant ma vision de l’être humain, de son fonctionnement, de la santé et de la vie en général, c’est-à-dire dans sa faculté à bouger, d’être en équilibre homéostasique au quotidien, de prendre du plaisir via un bon état de santé physique et mental.
La vision globale enseignée pendant ces années, qui est un des fondements de cet art, les connaissances précises d’anatomie, de physiologie et de pathologies, la précision des tests et la finesse du toucher ouvrent les yeux sur notre façon de bouger, de manger, de travailler, de gérer des émotions et du stress, de vivre tout simplement. L’écoute des tissus, de la recherche de son interprétation et la prise de conscience des causes responsables des états de maladie rencontrés en cabinet pousse à s’interroger sur nos modes de vie, la notion de santé et surtout à remettre en question sa propre hygiène de vie.
Malgré ma jeune expérience dans la pratique ostéopathique, je constate néanmoins des changements chez moi d’ordre biologique : Relâchement en profondeur, chaleur diffusante, lâcher-prise, concentration, assouplissement articulaires ou cutané. Ces réactions internes du corps ne sont pas seulement ressenties après le traitement mais se manifestent dans l’instant présent du geste thérapeutique. Une fois, je me suis surprise à prendre peur et à retirer brusquement mes mains des tissus du patient ne sachant que faire de ce malaise en moi. C’était à la fois fascinant et déroutant.
En discutant avec mes collègues de promotion, je constate que les mêmes interrogations reviennent telles que « Je ne sens rien », « Que dois-je ressentir ? », « Que dois-je faire pour sentir ? »
Pour essayer de trouver des réponses, je me suis nourrie d’ouvrages tels que ceux de Andrew Taylor Still, Pierre Tricot, Philippe Bourdinaud, Serge Paoletti et Pascal Javerliat.
C’est pour aller plus loin dans une réflexion sur les relations entre perception et réactions tissulaires que je me suis intéressée à l’impact des fascias dans les échanges tissulaires ainsi qu’à leurs effets sur la psyché et l’importance du thérapeute dans ces échanges.
J’ai alors passé en revue les dernières théories de Sutherland à Nicette Sergueef, les découvertes contestées sur le mouvement respiratoire primaire de JC Herniou, sur la motilité des fascias de Jean Pierre Barrai et Alain Croibier.
C’est un sujet passionnant en pleine évolution, soumis à des polémiques et c’est ce qui a suscité mon intérêt.
Au vu de mon parcours professionnel, il était donc évident que ce travail de fin d’étude devait porter sur un sujet sur les fascias. Ce mémoire offre l’opportunité de mettre en avant des pertinences scientifiques sur mes questionnements. Ils concernent l’impact du toucher thérapeutique sur l’anatomie, la physiologie et la dynamique des fascias ou tissus conjonctifs, et sur l’influence du thérapeute dans cette pratique.
Au fil de mes lectures, le rôle de l’eau s’est imposé à moi comme pouvant amener un nouvel élément d’explication de ce qu’il se passe dans les fascias lors du contact de la main du thérapeute sur les tissus du patient.
Philippe Bourdinaud s’est penché sur la question et en amène une explication scientifique intéressante dans son œuvre de Techniques tissulaires ostéopathiques péri-articulaires. Lecture très technique et complexe, je me tourne sur d’autres sources bibliographiques. Je tombe sur des articles enrichissants qui confirment la sensibilité du sujet au même titre que celui du mouvement respiratoire primaire, du micro mouvement ou de la motilité. Coïncidence frappante. En France, les résultats de ces expériences sont controversés, soumis à des pressions médiatiques, conflits d’intérêts, réfutés puis acceptés avec prudence au fil des décennies.
Je décide alors de m’y intéresser de plus près.
Une fois les questions de recherche définies dans l’introduction, il me reste à déterminer ce que je souhaite savoir. Je sais qu’il se passe réellement quelque chose lorsque je pose ma main sur les tissus du patient mais je ne suis pas apte à préciser quels sont les phénomènes biologiques et tissulaires mis en œuvre par le geste thérapeutique. C’est à partir de ce manque de savoir que s’exposent mes objectifs de recherche :
1- Dégager les principales fonctions du fascia.
2- Répertorier les données anatomiques récentes concernant la dynamique tissulaire des fascias.
3- Identifier les données scientifiques récentes qui éclairent l’impact du geste manuel dans l’approche tissulaire sur les composantes cellulaires et biologiques.
4- Contribuer à susciter une interrogation et un nouvel élément de réflexion par le rôle de l’eau dans les échanges cellulaires.
5- S’interroger sur l’influence de la présence du thérapeute et de son état psychique personnel dans la relation « soignant-soigné » et dégager les points pour s’améliorer et perfectionner ses résultats.
Table des matières
Introduction
Préambule
I. Philosophie et concepts ostéopathiques
I.1. Contexte historique
I.1.1. Les principes de Andrew Taylor Still
I.1.1.1. Les principes idéologiques
I.1.1.1.2. Principes de base
I.1.2. Le concept crânio-sacré de W.G. Sutherland
I.1.2.1. La création d’un nouveau concept
I.1.2.2. Le développement du concept
I.2. Contexte d’étiologie et approche environnementale
II. Etudes des fascias
II.1. Généralités
II.2. Embryologie et organisation anatomique
II.2.1.1 Les fascias verticaux et circulaires
II.2.1.1.1 Les fascias superficiels
II.2.1.1.2 Les fascias intermédiaires
II.2.1.1.3 — Les fascias profonds
II.2.1.2 Les fascias horizontaux et transverses
II.2.1.2.1 Les quatre diaphragmes ostéopathiques
II.2.1.2.2 Le tendon central.
II.2.2.1 Les cellules
II.2.2.1.1 Les cellules fixes ou cellules de structure
II.2.2.1.2 Les cellules libres ou cellules de passage (globules blancs)
II.2.2.2 Les fibres
II.2.2.3 La substance fondamentale
II.3. Rôles du tissu conjonctif
III.Données scientifiques de l’approche tissulaire via les dernières théories actuelles...
III.1. Théories actuelles
III.2 L’eau, élément clé des fascias
III.2.1 Les recherches de Philippe Bourdinaud
III.2.2 Les recherches de Jean-Claude Guimberteau
III.2.2 Les recherches de Masaru Emoto
III.2.3 Les recherches de Jacques Benveniste
IV. La relation thérapeutique - Communication soignant-soigné
IV.1. Introduction
IV.2. Communication tissulaire ou Dialogue tissulaire
IV.2.1. La relation praticien/patient
IV.2.2. Etre
IV.2.3. Le pouvoir de la palpation
IV.2.4. La présence
IV.2.5. L’attention
IV.2.6. L’intention
IV.2.7 La confiance et l'empathie
IV.3. L’Amélioration du praticien
IV.3.1. Le praticien idéal
IV.3.2. Apprendre à se connaitre
IV.3.3. Confiance en soi et en sa palpation
IV.3.4. Le lâcher prise 60
IV.3.5. Développer l’intuition et le développement personnel
IV.3.6. Hygiène de vie et hygiène alimentaire
IV.3.7. L’amour
Conclusion
Références bibliographiques