La dimension spirituelle de l’Ostéopathie
Alexane Bancal
Mémoire de fin d'étude, juin 2019 |
Tuteur de mémoire : Fanny BAILLY
Introduction
« Le plus grand sujet d’étude de l’homme, c’est l’homme. » [1, 120p], C’est à partir de ce précepte, qu’Andrew Taylor Still1, a donné naissance à son enfant, l’ostéopathie, le 22 juin 1874.
Il lègue à ses successeurs une définition de l’ostéopathie comme étant « la connaissance scientifique de l’anatomie et de la physiologie utilisée par une personne intelligente et habile, qui est capable de l’appliquer à l’homme malade […] » [2, 252p], Il considère que l’ostéopathie repose sur une connaissance théorique irréprochable, permettant la recherche de la cause de la maladie, du dysfonctionnement. Il insiste fortement sur l’aspect scientifique de cette dernière, pour asseoir sa légitimité face à la médecine. Il dit à ce sujet :
« Certains pensent que l’ostéopathie est un système de « massage », d’autres qu’il s’agit de “guérison par la foi”. Pour ma part je n’ai aucune “foi”, je désire seulement que le fondement soit la vérité. D’autres pensent qu’il s’agit d’une sorte de chamanisme magnétique. Elle est rien de tout cela ; elle est fondée sur des principes scientifiques. » [2, 252p].
L’ostéopathie est présentée comme une philosophie de type expérimentale, de laquelle ont découlé les grands principes que sont : l’interrelation réciproque structure-fonction, l’autorégulation, la globalité, la « vie est le mouvement» et la suprématie de l’artère.
A.T Still, laisse comme héritage à sa descendance une voie philosophique. À ce sujet, il dit à ses élèves que « c’est de la philosophie de l’ostéopathie dont l’homme a besoin. Par conséquent il est indispensable que vous connaissiez cette philosophie sinon, vous échouerez sévèrement et n’irez pas plus loin que le charlatanisme du “viser-rater”. » [1, 204p], Pour lui, la philosophie est une manière d’envisager la vie, concrète et surtout pragmatique [3], Une définition Stillienne de l’ostéopathie est essentielle pour tenter d’avoir une vision globale et profonde de cet art.
Sa préoccupation première était que l’ostéopathie soit reconnue, qu’une place lui soit concédée par le monde médical et qu’elle soit acceptée socialement. Pour ce faire, il en a défendu corps et âme ses fondements scientifiques.
Cela étant, à la lumière du contexte américain de l’époque, Dieu, serait à l’origine de cette naissance : « Dieu est le père de l’ostéopathie et je n’ai pas honte de l’enfant de sa pensée. » [2, 233p], Selon A.T Still, le corps humain est une machine parfaite, donc l’homme a forcément été façonné par la main divine.
Le philosophe qu’il incarne, s’est interrogé tout au long de son parcours sur : le sens de la Vie, la place de l’Homme dans le monde, la compréhension de l’Homme, le Vivant et la Nature, l’univers, la mort, Dieu, la religion, l’esprit, la matière et le mouvement… Toutes ses préoccupations ont également laissé leurs empreintes dans la philosophie de l’ostéopathie.
L’essence de cette pensée constitue l’identité de l’ostéopathie. Elle pourrait se résumer encore en une dualité entre la science, la matière, et, ce quelque chose d’impalpable, qui ne saurait être nommé, mais qui indéniablement résonne au plus profond de chaque être.
Quelle est cette chose ? Comment la nommer ? Est-ce de l’ordre de la métaphysique ? Bien qu’inexplicable et invisible, les scientifiques s’accordent de plus en plus à valider l’existence de cette « chose » souvent nommée spiritualité.
La spiritualité est communément associée aux notions de religion et de philosophie en raison de l’appropriation qui en a été faite au cours de l’histoire. En réalité, cette dernière est différenciable de ces deux aspects, bien que généralement en interaction. Comme l’explique Pierre Hadot :« Il n’est plus de très bon ton, aujourd’hui, d’employer le mot « spirituel ». Mais il faut bien se résigner à employer ce terme, parce que les autres adjectifs ou qualificatifs possibles : « psychique », « moral », « éthique »,« intellectuel », « de pensée », « de l’âme », ne recouvrent pas tous les aspects de la réalité que nous voulons décrire. » [4, 20p].
Par ailleurs, la spiritualité a dans l’imaginaire collectif une connotation ésotérique, mystique. Le Larousse donne pour définition : « qualité de ce qui est esprit, de ce est qui dégagé de toute matérialité. » [5, 96 lp]. En pratique, « on parle de spiritualité pour la partie de la vie psychique qui semble la plus élevée : c’est notre rapport fini à l’infini, notre rapport temporel à l’éternité, notre rapport relatif à l’absolu. » [6, 954p], Michel Foucault, la définit comme étant la recherche, la pratique, et l’expérience par lesquelles le sujet opère sur lui-même les transformations nécessaires pour avoir accès à la Vérité [7], En ce sens les philosophes anciens, parlent d’exercices spirituels pour que l’Homme puisse accéder à ces transformations [4], L’étymologie la rapproche du « souffle vital » ou de la force vitale [6], notion qui renvoie à la littérature ostéopathique. Le spirituel est donc ce qui s’oppose au matériel, au corporel, au charnel. C’est ce qui appartient à l’Esprit [7], Des traductions d’A.T Still, il faut différencier deux formes d’esprits. La première : L’organisateur (Mind) qui fait référence à l’intellect et à la raison ; il est matière. La deuxième : L’Esprit de vie (Spirit) qui est divin, spirituel, soit la part de l’Homme en connexion avec son créateur [8], A.T Still parle de créateur, de Dieu, d’autres parlent d’univers, de cosmos ou d’âme du monde. La terminologie diverge en fonction des cultures, des croyances ou des époques, mais la quête pour y accéder reste toujours présente.
Pourquoi A.T Still, le pragmatique, ne s’est-il pas détaché de cette dimension spirituelle ? Comment cette dernière a-t-elle évolué ? Et, quel en est l’intérêt pour l’ostéopathe et la prise en charge de patients ?
Pour tenter d’en comprendre les apports dans l’exercice de l’ostéopathie, il faut en premier lieu s’intéresser à l’étude de sa genèse, pour saisir ensuite la pratique actuelle en France. À la lumière de ses éléments, il sera plus aisé d’illustrer ce que peut apporter la dimension spirituelle au thérapeute ainsi que dans la prise en charge des patients.
1. Still AT, Gueullette J-M, Tricot P. Autobiographie du fondateur de l’ostéopathie. édition revue et corrigée. Vannes: Sully; 2017. 461 p. (120 p. 204 p. 166 p. 118 p.)
2. Still AT. Andrew Taylor Still - Le fondateur de l’ostéopathie : Autobiographie. 3e édition. Vannes: Sully; 2008. 361 p. (252 p. 252 p. 233 p. 233 p. 215 p.)
3. Tricot P, Gaisnon L. Vie et Oeuvre d’A.T. Still, fondateur de l’ostéopathie. Conférence présentée le 7 mars 2009 ; Société des Ostéopathes de L’Ouest. (35 p.)
4. Hadot P. Exercices spirituels et philosophie antique. Paris: Albin Michel; 2002. 404 p. (20 p. 21 p.)
5. Le Petit Larousse illustré. Paris: Larousse; 2010. 1811 p.
6. Comte-Sponville A. Dictionnaire philosophique. 1 re éd. Paris: Presses Universitaires de France - PUF; 2013. (954 p.)
7. " Spiritualité, religion, philosophie " : Café Philo Sophia [Internet]. [cité 16 avr2019]. Disponible sur: https://www.cafephilosophia.fr/sujets/spiritualite-religion-
philosophie/
Table des matières
Résumé et abstract
Introduction
PARTIE I – État des lieux de la dimension spirituelle de l’ostéopathie – de sa naissance à nos jours
I. La dimension spirituelle chez Andrew Taylor Still
II. Une dimension présente chez ses successeurs
a. Le concept de Souffle de Vie chez W.G Sutherland
b. L’immobilité de vie chez Rollin E. Becker
III. Une dimension sous silence : quand le « Mind » éclipse le « Spirit »
PARTIE II – Réflexion ostéopathique sur l’intérêt de cette dimension chez le thérapeute
I. L’état d’être ostéopathe
a. Être présent par la posture
b. Apprendre à s’abandonner
c. Accéder au moment présent
d. Acquérir des sentiments vertueux
II. Les outils de l’ostéopathe conscient d’etre
a. L’intention
b. La perception, une expérience singulière
c. La communication entre le patient et le thérapeute
III. Ouverture vers une prise en charge globale du patient
a. L’unité de l’Homme, une intrication corps-esprit
b. L’action de l’ostéopathe sur l’invisible à travers le travail de la structure
Conclusion
Liste des références
Annexes
Annexes
Annexe 1, Narratif : 5 Mai 1978 : Une nouvelle naissance
Annexe 2, Narratif : 3 Février 2010
Annexe 3, Narratif : la consultation de Noémie