Une place pour l'amour dans la prise en charge ostéopathique
Alizée THOMAS
Diplôme Universitaire Philosophie de l'ostéopathie |
Tuteur de mémoire : Philippe GAGNON
Introduction
J'ai rencontré l’Ostéopathie en 2009 sous les mains de Madame Nathalie C. Non seulement je fus impressionnée par le fait que l’on puisse traiter rien que par les mains une douleur récalcitrante de plusieurs années, mais une aura d’empathie et de bienveillance flottait dans la salle, presque palpable. Je compris que Madame C. ne soignait pas que mes genoux, c’est à moi qu’elle s’intéressait.
Quelques années plus tard « Ostéopathe D.O. », je me suis installée dans la foulée, heureuse de devenir à mon tour une Madame C. Après quelques mois d’exercice, quelque chose n’allait pas ; je reproduisais ce qu’on m’avait enseigné, les patients semblaient satisfaits pour la plupart, mais je me sentais davantage mécanicienne qu’ostéopathe à la manière de ce que j’avais découvert. Je pressentais ma pratique comme incomplète. Que manquait-il alors ?
Me souvenant de la dualité corps/esprit évoquée en classes préparatoires, je me tournai d’abord vers une sphère très peu étudiée à l’école d’ostéopathie : les émotions et leurs relations avec le soma. Cette fois c’est sûr, je connaîtrais tout du patient. Et bien ... non ! Certes j’en connaissais davantage (bien qu’encore trop peu soyons francs), mais cela ne créait toujours pas cette atmosphère si spéciale du cabinet de Madame C.
En m’inscrivant au D U. de Philosophie de l’Ostéopathie je compris enfin ce qu’il me manquait : c’est l’implication personnelle - tant technique que relationnelle du praticien, qui donne du sens à la consultation. Une sorte de don de soi à l’autre. En fait, le travail venait vraiment de commencer, et je sais aujourd’hui qu’il ne trouvera jamais de fin.
Voici ce qui m’a conduite à produire le travail qui va suivre : comment définir cette vertu relationnelle si spéciale, et quels sont les paramètres de sa mise en œuvre ?
La relation de soin offre le terrain d’exercice de valeurs spécifiques, et les ressources bibliographiques regorgent de listes de qualités thérapeutiques. Les détailler ici se serait avéré aussi fastidieux qu’improductif, mais il me paraissait de plus en plus évident que toutes ces qualités convergeaient vers un socle commun. C’est alors que l’amour a commencé à poindre à l’horizon de mon projet de mémoire.
Andrew Taylor Still, fondateur de l’Ostéopathie à la fin du XIXe siècle, a laissé très peu de traces quant aux concepts fondateurs et à sa pratique, laissant l’opportunité à ses successeurs de trouver une dimension personnelle à leur travail. L’Ostéopathie n’est pas une recette, elle s’élabore et s’étoffe petit à petit. C’est bien dans ce contexte que s’insère la possibilité d’une réflexion sur l’amour dans le soin.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » avançait Nicolas Boileau, « et les mots pour le dire viennent aisément ». Or, bien aisé celui qui énonce clairement ce qu’est l’amour, et bien éclairé celui qui en possède une conception évidente.
Les grecs proposaient quatre sortes d’amour :
- Storgê : amour d’un parent qui prend soin de son enfant.
- Philia : amitié réciproque vouée à des objectifs communs et des plaisirs partagés.
- Eros : désir, souvent limité dans sa définition à la passion chamelle et fusionnelle.
- Agapè : amour universel, donné sans condition et sans attendre de retour.
L’on pourrait se laisser aller à rapprocher l’amour dans le soin de la seule Agapè, mais commençons en introduction de ce travail, à envisager cet amour thérapeutique que nous n’avons pas encore défini, comme prenant son origine dans le point de rencontre de ces quatre dispositions.
Agapè pose les bases d’une éthique du cœur, qui dispose le praticien à s’oublier lui-même pour se mettre au service de l’autre.
Philia pour sa part établit une relation de réciprocité entre le patient et le praticien, œuvrant de concert à la résolution du trouble, dans un cadre empathique.
Le désir incarné par Eros ne se limite pas en réalité à sa seule dimension charnelle ; dans un contexte de soin, il peut être désir gradé, intellectuel, générant une puissance créatrice qui anime le praticien d’une volonté motrice.
Enfin Storgê perd son caractère filial, mais nourrit l’amour thérapeutique de la responsabilité du praticien à l’égard du patient.
Tout au long de ce travail, il va alors s’agir de réfléchir à cet amour-don de soi du thérapeute, agissant avec son patient comme des partenaires dans un esprit empathique et compassionnel. C’est un amour empreint de liberté pourvu que le praticien mette à l’épreuve sa responsabilité, et se dirigeant vers un patient considéré toujours comme une fin, jamais comme un moyen. Ainsi se demandera-t-on : Comment, en introduisant l’amour dans le soin ostéopathique, peut-on parvenir à élucider le mystère de la souffrance d’un patient ?
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 - L'amour comme vertu morale universelle
A. L’amour assume : l’implication de Dieu
B. L’amour sans le nommer : empathie, compassion et sollicitude
CHAPITRE 2 - Application conceptuelle de l'amour dans le soin ostéopathique
A.Une quête de justesse basée sur l'expérience, l'observation et le libre arbitre
B. Le concept de globalité
CHAPITRE 3 - Application pratique de l'amour dans le soin ostéopathique
A. De la présence a la rencontr
B. Le toucher