Étude de l’état de neutre en ostéopathie
Julien FerreresÉtude de l’état de neutre en ostéopathie sur les dysfonctions somatiques d’origine fonctionnelle |
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Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d'ostéopathe
Sous la direction de Jean PASSEREL DO
Collège Ostéopathique de Provence COP AM
Promotion juin 2023
Résumé
Résumé
Objectifs : Le modèle biodynamique de l’ostéopathie représente le dernier travail de William Gamer Sutherland avant sa mort en 1954. Les ostéopathes ayant continué à transmettre ce concept et à l’enrichir, ont largement insisté sur le fait d’attendre le neutre, un point de balance systémique, avant de commencer le traitement. Ce dernier est censé amener le corps dans un état un peu plus parasympathique, s’approchant de la normotonie. levant les dysfonctions somatiques secondaires et ainsi faciliter l’accès à la capacité d’autoguérison du corps. Le thérapeute n’agit ici que comme un fulcrum et n’induit aucune correction. Le but de ce mémoire est d’évaluer les effets globaux de ce neutre sur les dysfonctions somatiques que ce soit sur le plan biomécanique et neurovégétatif.
Méthode : Cette étude de cas comprenant 15 patients, évalue le nombre de dysfonctions, le réflexe oculo-cardiaque, les intervalles R-R. et la qualité de tests posturaux avant et après le neutre.
Résultats : Une réduction significative du nombre de dysfonctions a été constatée après le neutre (p = 0,000705) avec en moyenne 55,163 % des dysfonctions de départ levées pour un écart type de 16.463. Des corrélations entre les données ECG/lcs intervalles R-R ainsi qu’entre les tests posturaux et les dysfonctions restantes ont été établies.
Conclusion : Nous avons conscience qu’une population plus conséquente aurait renforcé les résultats de notre étude. Ce travail préliminaire nous a permis de mettre en évidence une réduction nette du nombre de dysfonctions. Plusieurs pistes de réflexion concernant le traumatisme ostéopathique, les réactions du fascia ainsi que l’évaluation du système neuro-végétatif ont été proposées. Nous espérons que ces travaux susciteront de l’intérêt concernant ce modèle de l’ostéopathie encore trop peu exploré.
Mots-clés : ostéopathie dans le champ crânien, modèle biodynamique de l’ostéopathie, état de neutre, dysfonction somatique.
Abstract
Objective : The biodynamic model of osteopathy in the cranial field represents the last work of William Garner Sutherland before is death in 1954. Tire osteopaths who continued to teach and enhance this concept, strongly emphasized the fact of expecting the neutral, a systemic point of balance before starting the treatment. The neutral should lead the body to a slight parasympathetic state closer to nonnotonia. which permits the resolution of secondary- dysfunctions and so facilitate the access to the natural healing process of the body. The practician is a fulcrum and do not induce a correction. The purpose of this study is to evaluate the systemics effects of the neutral on somatic dysfunctions with the biomechanic and the autonomic function aspects.
Method : This case-study, that includes 15 patients, evaluates the number of dysfunctions, the oculo-cardiac reflex, the R-R intervals, and the quality of postural tests before and after the neutral.
Results : A signifiant reduction in the number of dysfunctions is observe after the neutral (p = 0,000705). 55.163 % of initial dysfunctions is removed with a standard deviation of 16.463. We have found a correlations between ECG results and RR intervals as well as between postural tests and the remaining dysfunctions.
Conclusion : We assume that a larger population should strengthened the results of our study-. This preliminary work allowed us to highlight a significative reduction in the number of dysfunctions. Several lines of thought regarding osteopathic trauma, fascia reactions as well as the evaluation of the neurovegetative system were offered. We hope that this work will generate interest in this model of osteopathy which could be more explored.
Keywords : osteopathy in the cranial field, biodynamic model of osteopathy in the cranial field, neutral state, somatic dysfunction.
Introduction
Introduction
« Toujours au repos, le petit vairon ressent un léger frémissement dans le liquide céphalo-rachidien se dirigeant tout droit vers le centre. Il ne se déverse pas d’un côté ou de l’autre, et les vagues ne se brisent pas çà et là. Le frémissement se dirige tout droit vers le centre. Le petit vairon commence à comprendre ce que nous voulons dire par amener la fluctuation du liquide céphalo-rachidien à celle courte période rythmique où nous observons un équilibre : tout est équilibre, échange, échange total entre tous les liquides du corps. C’est suffisant pour visualiser l’image des possibilités. » William Gamer Sutherland, Contributions de Pensées – « La promenade du vairon »
En découvrant l’ostéopathie pour la première fois en 2013, j’ai fait la connaissance d’une thérapeutique unique de part son orientation et ses principes : nous possédons en tant qu’être vivant des forces inhérentes qui permettent l’autorégulation et l’autoguérison. Extrêmement dubitatif au départ mais à force des années de formation qui passaient, il me fallut admettre que le corps avait une intelligence au-delà de notre contrôle mais aussi au-delà de ce que les anciens, les fondateurs de l’ostéopathie, appelaient la maladie. Cela fait partie des défis mais aussi de la beauté de ce métier. Par croyance, mais aussi par respect. Andrew Taylor Still nommait cela Intelligence Suprême ; son continuateur, William Gamer Sutherland l’appelait Souffle de Vie. Peu importe la terminologie utilisée, selon nos convictions ou croyances, comprendre ce qu’il y a derrière la symptomatologie, le motif de consultation, la dysfonction, au service complet et sans jugement du patient fait la force de notre profession. « Trouver la santé devrait être l’objectif du docteur. N’importe qui peut trouver la maladie ».
Je pense que la maturation de ce mémoire commença le jour où l’on me demanda de poser pour la première fois les mains sur un crâne, d’attendre et de voir ce qui se passait. Il y avait certes une légère sensation d’un ballon qui gonflait et se dégonflait, mais sur le coup j’incriminais la respiration du patient. Comble de ma surprise lorsqu’on m’avoua que ce que je sentais c’était le mouvement des os du crâne… Mais où est-ce-que j’étais tombé ? Le lendemain, j’allais chez mon ostéopathe et lui fit part de cela : « On m’a dit que les os du crâne bougeaient… Qu’est-ce-que tu en penses ? ». Ce jour-ci. il me regarda, afficha un grand sourire, puis changea de sujet ! Même si je n’eus aucune réponse ce jour, je pus enfin mettre des noms sur ces principes, peu de temps après, lors des cours sur l’histoire de l’ostéopathie et commencer à faire mes recherches.
Au fur et à mesure des années, je remarquais la dichotomie entre les propos issus de l’expérience de mes professeurs et de ce que je pouvais trouver dans ce que je lisais notamment dans le domaine le plus controversé de l’ostéopathie : le champ crânien. Ostéopathie crânienne structurelle, ostéopathie crânienne biomécanique, ostéopathie crânienne fonctionnelle, thérapie crânio-sacrée… autant d’auteurs que d’ostéopathies ainsi que de propos et d’arguments qui entretenaient une certaine confusion chez moi, tant sur le plan théorique que sur celui des sensations que j’avais sous les mains.
C’est alors que j’entrepris de revenir à la base : les travaux de William Gamer Sutherland. Dans l’édition originale d’Ostéopathie dans le champ crânien on pouvait lire : « La puissance de la Marée possède en elle plus d’intelligence et de puissance que toute force aveugle qui puisse sans risque être appliquée de l’extérieur ». Intéressant… mais c’est quoi la marée ? Pourquoi lui attribuer autant de propriétés ? Toutes ces questions se confrontaient à l’évolution de la palpation. Quelle connaissance avait émergé de l’expérience de cet homme ? Ce n’est que plus tard, au début de la quatrième année, lors de la lecture de Contributions de Pensée que je compris que derrière ce langage métaphorique se cachait des idées, des sensations difficiles à décrire et à transmettre grâce à de simples mots.
W.G. Sutherland ne se considérait que comme le continuateur d’une idée qui fût déjà développée par A.T. Still, la compréhension des mécanismes du crâne s’ajoutant aux principes déjà existants de l’ostéopathie. Le but premier de ces ostéopathes n’était pas de guérir le corps, mais ils voulaient comprendre la vie, l’entièreté du mécanisme que cette dernière anime. Le corps comme un tout, la vie dépendant de la vie.
La volonté de W.G. Sutherland d’élargir les concepts qui lui furent enseignés par A.T. Still par l’intermédiaire du champ crânien aboutira à un travail s’inscrivant dans un véritable continuum, s’émancipant des principes biomécaniques du mécanisme respiratoire primaire qu’il définira lors de la première période de son travail. C’est sur ce modèle biomécanique présent dans The Cranial Bowl et la troisième édition d’Ostéopathie dans le champ crânien que la grande majorité des recherches en ostéopathie repose de nos jours.
À partir de 1948, deuxième période de son travail, la notion de neutre du patient apparaît dans ses écrits. Ce neutre était obtenu en utilisant l’équilibration des membranes de tension réciproque et l’initiation de la fluctuation du liquide céphalo-rachidien avec « patte de chat » connu aujourd’hui sous le nom de roulement des temporaux alternatif. Dans Teachings in the Science of Osteopathy, il écrit : « Je voudrais que vous considériez la situation dans laquelle vous avez établi une fluctuation latérale du liquide céphalorachidien et l’avez amenée à un balance point, un point médian, entre l’inhalation et l’exhalation. Ensuite vous avez cette brève période où le diaphragme du patient [il parle ici de la lente du cervelet N.d.t] se déplace simplement et doucement vers un point de fulcrum. Puis c’est à ce moment que vous avez cette fine1 vibration au centre de la marée. C’est le stillness de la marée, et non les vagues houleuses qui se brisent sur le rivage, c’est le but de la technique. En tant que mécanicien du corps humain avec cette compréhension des principes mécaniques dans cette fluctuation de la marée, vous êtes en contact avec la potency la puissance, pour traiter et résoudre les problèmes. » [93, p. 173]2 Les ostéopathes ayant persévéré à pratiquer dans la continuité de ce deuxième travail considèrent cette synchronisation avec la respiration primaire comme l’étape préalable et fondamentale pour débuter le traitement.
W.G. Sutherland par l’intermédiaire de « patte de chat » pensait agir sur les noyaux parasympathiques du tronc cérébral. C’est alors que nous nous rendons compte que l’idée du neutre du patient n’est pas nouvelle en ostéopathie et qu’elle en est même un pilier central. « Le cerveau est l’emplacement où tous les centres de force, tous les nerfs, sont connectés à une batterie commune » (A.T. Still) [90. p. 63], La facilitation segmentaire dont la première description physiologique fût énoncée par I. Korr représente une partie de ce système. Selon W.G. Sutherland, le neutre du patient est le point à partir duquel la réponse la plus efficace aux forces de marée, à nos capacités d’autoguérison, à notre homéostasie, est possible. « Un point d’équilibre dans les tensions réciproques, que se soit la membrane, le fluide ou la puissance, qui est libre de se déplacer avec le mouvement de santé de la respiration primaire […] un ton d’homogénéité de toutes les forces du corps » (C. Ridley) [76. p.2731.
Ce mémoire est donc le résultat de cette construction personnelle autour de l’état de balance dans le système neurovégétatif dont le corps a besoin pour commencer à être traité, sur la prédominance de l’un des systèmes ortho ou parasympathique, la Santé, la compensation et le concept d’unité cher à l’ostéopathie.
Mon but était d’essayer de comprendre les mécanismes physiologiques sous-jacents à ce principe ostéopathique, les voies qu’il pouvait mettre en jeu mais aussi l’impact de l’ostéopathe sur la globalité du corps par cet intermédiaire. Le patient accède-t-il à un ton plus parasympathique proche de la normotonie. les schémas compensatoires du corps sont-ils éliminés ?
Nous sommes tous conscients que cette branche de l’ostéopathie souffre d’un manque cruel d’éléments pour faire avancer notre profession. Les recherches s’accentuant sur les effets physiologiques principalement et très peu sur les effets globaux d’une technique donnée. Le rapport CORTECS [34] concernant l’ostéopathie crânienne est aussi une bonne raison pour effectuer des études afin de mesurer nos résultats. Pourquoi ne pas donner une chance à ce deuxième modèle développé par W.G. Sutherland que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’approche biodynamique de l’ostéopathie ?
« En tant que mécanicien ostéopathe, nous n’allons pas plus loin que l’ajustement de la condition anormale vers la normale. La Nature fera le reste. » A.T. Still. Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie
« A little learning is a dangerous thing : Drink deep or taste not the Pierian spring. » William Gamer Sutherland. Osteopathy in The Cranial Field (1st edition) Citation d’Alexander Pope.
1 Dans le texte original le mot utilisé est fine, il peut être traduit soit par fine ou belle.
2 Texte original : I want you to see the situation in which you have established a lateral fluctuation of the cerebrospinal fluid and brought it down to a balance point, a midway point, between inhalation and exhalation. Then you have the brief period where the patient’s diaphragm is merely moving gently about a fulcrum point. Then is when you get this fine vibration at the center of the Tide. It is the stillness of the Tide, not the stormy waves that hound upon the shore, that is the aim of the technique. As a mechanic of the human body in understanding the mechanical principles in this fluctuation of the Tide, you are in contact with the potency, the power, to treat and resolve problems.
Table des matières
Table des matières
1. Introduction
2. D’une approche biomécanique vers une approche biodynamique de l’ostéopathie dans le champ crânien
3. Approche crânienne biomécanique, les recherches effectuées, ce que nous dit la science
3.1. Le liquide céphalo-rachidien
3.2. La motilité inhérente du système nerveux central et de la moelle épinière
3.3. La mobilité des membranes méningées crâniennes et spinales
3.4. La mobilité articulaire des os du crâne
3.5. Le mouvement passif du sacrum entre les os iliaques
3.6. Quelles conclusions en tirer ?
4. 1948 : changement de paradigme
5. Contributions de Rollin E. Becker. Jacques A. Duval, James Jealous, naissance du modèle biodynamique
6. Les techniques concernant le liquide céphalo-rachidien de William Garner Sutherland
7. Que nous disent les recherches concernant cette méthodologie '?
8. Le modèle biodynamique de l’ostéopathie
8.1. Les différents rythmes et marées
8.2. L accès au neutre
9. La dysfonction somatique
10. Quels processus physiologiques peuvent être engagés lors du neutre du patient ?
10.1. Tissu conjonctif et intégration neurovégétative : le système de la régulation de hase d’Alfred Pischinger
10.2. Que nous disent les recherches quant à l’action de 1’ostéopathe sur ce système
10.3. L’hypothèse du sommeil paradoxal
11. Objectifs de l’étude, matériel, méthode
11.1. Design du protocole
11.2. Critères d’inclusion, critères d’exclusion
11.3. Déroulement de l’étude
12. Résultats
12.1. Population de l’étude
12.2. Relevé de dysfonction
12.3. Tests de grands mouvements
12.4. Relevé ECG du réflexe oculo-cardiaque
12.5. Mesure des intervalles R-R
13. Discussion
13.1. L’évaluation du nombre de dysfonctions
13.2. L’évaluation posturale
13.3. L’évaluation du réflexe oculo-cardiaque et des intervalles R-R
13.4. L’impact potentiel de I implication du meneur de l’étude
13.5. L’absence de groupe placebo
13.6. Les sensations du praticien au regard de la science
13. 7. Plusieurs groupes de population mis en évidence
14. Conclusion
Bibliographie
Fiches patients
Annexes