Question : Pouvez-vous parler de ce que vous appelez le « Partenaire Silencieux » ?
Eh bien, je peux en parler, mais je ne peux pas dire ce que c’est. Je peux seulement dire que mon Partenaire Silencieux, c’est le pur « Je » représentant qui je suis réellement. C’est le même Partenaire Silencieux que le vôtre, le même Partenaire Silencieux que celui qui est dans la pièce et le même Partenaire Silencieux que celui de l’insecte que je vois ramper au sol. C’est le même Partenaire Silencieux et l’accepter, s’en remettre à lui, doit devenir une expérience consciente. Le Partenaire Silencieux n’est pas anthropomorphique – il est lui-même. Il faut juste établir un éveil, une connaissance consciente, mais à la seconde même où vous trouvez quelque chose sur quoi poser votre index mental intellectuel, ce n’est pas lui. Pourtant, c’est quelque chose qui existe.

Le Partenaire Silencieux peut être délibérément appelé ou contacté de manière bi-univoque.[1] Pourquoi et comment il œuvre ? Je ne le sais pas et si je le savais, c’est que ce ne serait pas lui. Il est plus facile de démontrer son existence que de parler de lui. Là maintenant, je vais contacter le mien et tout en restant conscient du mien, je vais contacter les vôtres. Maintenant, je vais rompre le contact. En contactant le vôtre, puis en rompant le contact, je ne l’ai changé en rien. Mais c’est plus qu’un contact ordinaire. Pouvez-vous sentir la différence ? C’est une communication instantanée et tout ce dont vous avez conscience n’est pas lui.
À travers sa transmutation, j’ai initié un potentiel électrique et je suis conscient du système œuvrant dans votre corps. Je ne suis pas conscient des détails exacts, mais je suis conscient de quelque chose qui œuvre en vous, parce qu’il a été activé. Mais qu’est-ce que c’est ? La seule source de puissance qui existe – la Cause. Je contacte la Cause en premier. Pourquoi je fais cela ? Parce que moi aussi, je suis Cause. Si vous devenez un de mes patients, et que je désire travailler avec vous de la manière la plus efficace possible, alors pourquoi ne pas contacter le Boss, plutôt que le secrétaire ?

En contactant un patient de cette manière, vous ne prenez pas la responsabilité à sa place. Vous essayez simplement de dire à cet individu : « Regarde, Boss, tu es déjà le Boss de cette région et je sais que lorsque tu accomplis ton travail, tu le fais exactement de la manière dont tu veux qu’il soit fait. Je veux seulement t’éveiller pour accomplir ce travail, mais je ne vais pas rester assis là à te regarder faire. » J’approche de cette manière, parce que, quel que soit le problème pour lequel vous êtes venu me voir, votre Boss a bien plus de connaissance et d’efficacité que moi. J’ai déployé son antenne, et je lui demande de se mettre au travail. Mais je ne vais pas lui dicter comment il faut procéder pour faire le travail. Je ne vais pas m’asseoir là pour l’observer ou me concentrer sur lui. Plus vite vous pourrez vous éloigner de lui et juste revenir en complet abandon, mieux se sera.

Très bien, poursuivons cette première étape. Je vais contacter mon Partenaire Silencieux, puis je contacterai le vôtre, puis je vais m’en remettre à lui. Quelque chose c’est produit n’est-ce pas ? Il y a une différence. Soudain, le même processus travaille pour vous et ce n’est plus moi qui en suis responsable. C’est lui qui travaille et mon travail, maintenant, c’est de venir là et de faire ce qu’il m’a été indiqué de faire. Vous voyez ? Vous pouvez parler de lui, mais il n’y a rien sur quoi parler.

La chose dont il faut se défaire, c’est l’idée de se focaliser sur les problèmes. De la même manière que nous disons que le corps n’est pas le problème, nous disons que la maladie n’est pas le problème. Si vous vous focalisez sur les problèmes ou si vous pensez les choses en terme de problèmes, tout ce que vous obtiendrez, ce seront des problèmes. Tout ce que vous obtenez, c’est un effet coiffant un autre effet qui coiffe un autre effet. Vous ne parvenez jamais à la cause. Donc oubliez les problèmes.[2]

Le Partenaire Silencieux est, et c’est tout ce qu’il y a à en dire. Donc, pourquoi ne pas l’appeler à agir ? Quand à évoquer la manière dont on y recourt, je vous ai donné la meilleure réponse possible, et lorsque je contacte le mien, je n’ai pas plus d’idée sur ce que je contacte que sur l’homme dans la lune. Parce que si je le savais, ce ne serait plus le Partenaire Silencieux. Cela le ferait être une partie de même nature que le monde limité ou tout ce que notre mental peut appréhender. Je le contacte, je m’en remets à lui et c’est aussi simple que cela. Si vous compliquez cela, vous êtes mort. Rien ne se produit. C’est tout ce qu’il y a à faire. C’est ce qu’évoquait A. T. Still lorsqu’il parlait de : « Dieu, l’esprit de la nature. » C’est à cela qu’il se référait.


Question : Cela voudrait dire qu’une partie de notre travail consiste à s’ouvrir à cela, à s’en remettre à Dieu ?
En fait, cela se résume à quoi ou qui vous vous en remettez. Votre Partenaire Silencieux est un point d’appui ; il est absolument immobile.[3] Il n’y a pas d’énergie en mouvement dans le Partenaire Silencieux, aucune. Il est tout énergie, mais elle n’est pas en mouvement. C’est en fait la source de l’énergie, l’état duquel vient l’énergie. Ce n’est pas de l’énergie en mouvement, c’est un pur potentiel. C’est omnipotent. Il n’y a aucun mouvement et c’est pourtant tout mouvement. C’est, tout simplement, et vous vous en remettez à lui. Sentez la tranquillité qui s’est développée dans cette pièce. C’est la même tranquillité et vous pouvez la ressentir mais ce n’est pas quelque chose auquel vous travaillez. Si vous y travaillez, vous le ratez. C’est une tranquillité vivante dont notre conscience en éveil peut être  consciente. Cette conscience en éveil est avec notre grand Esprit, non pas notre petit esprit. La conscience, l’éveil, c’est l’acceptation de quelque chose.
Bien que cela puisse vous paraître ésotérique, c’est une expérience tangible. De temps en temps, lorsque je traite des patients dans mon cabinet, on pourrait prendre la tranquillité régnant dans la pièce, la couper au couteau, et en faire un igloo – ça vous donne une idée de cette tranquillité. Qu’est-ce que ça met en scène ? Je n’en ai pas la moindre idée, pas plus que de qui soigne. C’est là pour rencontrer le besoin de quelque chose qui suit son cours pour cet individu particulier. D’où ça vient et où ça va ? Ce n’est pas important. C’est un mode de vie, un mode de Vie avec un « V » majuscule. Voilà, ce que c’est. Ne le compliquez pas. Vous pouvez dès maintenant contacter votre Partenaire Silencieux, ainsi que celui de quelqu’un d’autre, puis vous en remettre à eux. Tout le monde peut faire ça. Nous avons tous les même ressources.
Il est possible d’apprendre à vivre dans la « présence », comme la nomme Joël Goldsmith, 24 heures sur 24. Mais nous l’oublions sans cesse, distraits que nous sommes par le monde qui nous entoure. Mais, en dépit du fait que nous marchons dans le monde, il est possible de s’abandonner à cette chose avec laquelle il suffit d’établir un contact. Le problème consiste juste à continuer de s’abandonner dans une expérience d’éveil conscient ; cela devient alors une habitude. Il est pratiquement impossible pour nous de le faire en permanence, parce que nous sommes des êtres humains qui vivons ce monde. Je suis fatigué, et en rentrant à la maison, quelqu’un me bloque et je deviens fou. Ainsi, c’est dur de le faire, mais c’est aussi simple que ça – un abandon conscient, personnel, supra-personnel, même, à cette tranquillité qui est une partie de notre être.


Question : Finalement, qu’est-ce qu’on obtient ?
Eh bien, vous pouvez penser au résultat en termes d’habitude. Cette manière d’être devient vraiment une habitude. Instant après instant, vous vous accordez à la tranquillité, puis vous recommencez, encore et encore. Cela n’est jamais durablement acquis – vous recommencez sans cesse et c’est le bon chemin – parce que c’est quelque chose de dynamique. Cette dynamique est intrinsèque à la tranquillité et elle est constamment en mouvement – ou en non-mouvement. Il n’y a donc pas de système pour vous y brancher et agir. C’est toujours un effort conscient. Une partie de la responsabilité individuelle consiste justement à maintenir continuellement son branchement en place.
C’est vrai pour toute progression personnelle. Tout individu pour lequel nous avons connaissance de progrès spirituels a établi et maintenu ce contact. Walt Whitman l’avait. D’où pensez-vous que lui soit venu Leaves and Grass ?5 Lorsqu’il écrivait, il était accordé à cette chose. Le Dr Sutherland l’avait lorsqu’il développait le concept crânien. Le Dr Still, passa 15 ans à chercher cela et à découvrir ce qui constitue un nouveau programme de traitement des personnes.
Quelle que soit la création artistique majeure, venant d’un artiste ou de n’importe qui, c’est de là que vient l’instinct de création artistique. Ils sont accordés à la tranquillité, même si c’est parfois de manière non consciente. Ainsi des créateurs du plafond de la chapelle Sixtine. Ils ont dit « avoir reçu toute l’aide dont ils avaient besoin. » Ils s’y sont automatiquement abandonnés et l’ont utilisée. Mais combien de gens, dans ce monde, font vraiment l’effort de l’utiliser ? Très peu de gens essaient d’en faire un processus d’abandon constant. Il faut de la pratique et de l’expérience. Il a fallu à ces gens des années et des années pour créer ce qu’ils ont réussi à créer. Cela ne leur est pas venu du jour au lendemain.
Il est important de se rappeler que dans chaque circonstance, le point essentiel est le processus d’accordage. L’accomplissement et le résultat qu’il amène n’est pas la chose sur laquelle vous devriez vous concentrer. Il s’agit d’accordage, pas de réalisation. Au delà de l’accord lui-même, chaque chose qui se produit est simplement une question d’expression ; c’est une manifestation. C’est, encore une fois, un cas d’« effets » et si vous vous accrochez à cela comme résultat, alors vous vous mélangez les pinceaux et vous retournez à l’état d’égotisme.

Joel Goldsmith, auteur de Mystical I, fait ressortir un point très intéressant à ce sujet. Il dit que si nous parvenions à vivre continuellement selon ce mode, en complet abandon, nous trouverions automatiquement paix et bien-être. Même les problèmes qui nous rendent fous, nous pourrions les traiter et poursuivre.
Je ne me sens pas du tout satisfait par la guérison d’un cas très difficile. Je ne suis pas gratifié de voir quelqu’un répondre au traitement que je lui ai administré pendant six mois, lorsque soudainement, une expérience de 20 ans se trouve balayée et qu’il se retrouve en bonne santé. Il n’y a, pour moi, ni satisfaction, ni contentement là-dedans – pas le moindre. Les gens peuvent dire : « N’est-ce pas merveilleux ? Regardez ce que vous avez fait pour M. Smith. Il peut jouer au golf et gagner des millions de dollars, alors qu’il y a encore six mois, il était cloué au lit. Cela ne vous procure-t-il pas une véritable satisfaction ? » Non, aucune. Je n’y prête pas la moindre attention. Pas de satisfaction du tout, aucune. Je suppose que vous pensez que j’exagère. Mais c’était avant tout la responsabilité de M. Smith, et que dire des cinq autres cas difficiles de ma pratique ? Pourquoi ne répondent-ils pas de la même manière ? Je ne puis utiliser les mêmes réponses pour eux. Ainsi, je suis toujours collé dans la responsabilité de savoir comment je dois me relier de manière que ce qui se crée là puisse être transmuté pour le prochain patient.
De plus, la situation de M. Smith et tout ce qui a constitué le problème, le concernait personnellement et n’avait rien à voir avec mon soin. J’ai juste été le levier, le point d’appui, un point immobile. Et un point immobile est sans-nom, il n’a pas d’ego, rien. C’est sans mouvement et pourtant, c’est toute puissance et la puissance qu’il a utilisée pour son problème particulier est sortie d’un point d’immobilité issu de mon Partenaire Silencieux et de son Partenaire Silencieux. Alors, y a-t-il de quoi être satisfait ?
Je suis très satisfait par le fait qu’il ai pu procéder à ce fabuleux changement. Mais je suis satisfait par rapport à lui, pas par rapport à moi. Je ne m’attribue rien de cela – cela ne m’appartient pas. Je suis reconnaissant comme je peux, et je me suis abandonné à la totalité de son nouveau schéma de santé, à son être interne, ainsi, cela peut se poursuivre.


J’aime mon travail et suis reconnaissant de pouvoir l’accomplir. Cela n’a finalement rien à voir avec personne d’autre, mais c’est une chose merveilleuse que d’avoir la possibilité de se rappeler qu’il faut contacter son Partenaire Silencieux et s’en remettre à lui encore et encore. Voilà la possibilité que représente tous les cas que je vois. Et c’est une excellente chose.

Lorsque je ressens de la satisfaction pour un cas, cette émotion vient de mon ego, de mon esprit avec un petit « e ». Alors, mon esprit intellectuel commence à analyser en disant : « Voyons, maintenant, j’ai fait ceci et cela à tel moment et j’ai obtenu tel résultat. » Et vous n’en finissez pas d’analyser tout ce qui s’est produit et a pu contribuer à faire que la chose soit comme ci ou comme ça. Mais à la racine, dans le fond, la structure anatomophysiologique n’est rien d’autre qu’une masse de cellules qui vont en flexion/rotation externe et extension/rotation interne, dix fois par minute, et ce sont elles qui font l’essentiel du travail. Vous avez la gentillesse de les démêler une fois de temps en temps, sans avoir pour autant le moyen d’analyser comment cela c’est produit. De toute manière, c’est de l’histoire passée. Maintenant, c’est un humain nouveau et c’est un nouveau jour et nous sommes supposés vivre dans le présent. Alors, pourquoi être émotionnellement satisfait de quelque chose qui est déjà réalisé ? Quel est le prochain objectif pour cet homme ?

Par ailleurs, en étant émotionnellement satisfait et heureux lorsque vous réussissez, vous vous placez du même coup dans la désagréable position d’être frustré et déçu lorsque vous ne réussissez pas. Vous préparez un bloc d’énergie contre lequel il vous faudra lutter. Finalement, ne le faisant pas se produire lorsque c’est bon, vous ne le faites pas se produire non plus lorsque ce n’est pas bon.


Buts
Vous m’avez demandé quel est le but ? On ne peut pas vraiment penser à cela en terme de but à atteindre. Dans leur comportement spirituel, les gens ont tendance à penser : « Si je vis avec droiture, je vais obtenir une place dans la partie ensoleillée du ciel. » Voilà un but – si je fais les choses que je suis supposé faire, alors quelque chose de bon va arriver. Bien, mais qui a déterminé les buts ? Si je parviens à me mettre à l’écoute de Partenaire Silencieux, à pratiquer la présence, à vraiment être tout ce dont j’ai parlé toutes les années de ma vie – si je parviens à atteindre un point de tel accomplissement –, alors mon énergie créatrice continuera de s’écouler et fera ce qui doit être fait. Lorsqu’il n’y a pas d’histoire d’ego les gens répondent d’une manière ou d’une autre au travail que je fais et il se passe quelque chose. Lorsque je commence à travailler suis-je supposé  montrer la pendule et dire : « Là, maintenant, j’ai un but » ? Les buts doivent disparaître, comme tout le reste.

Vous expérimentez vraiment un certain confort. Vous faites l’expérience de vous abandonner dans votre travail, de vous abandonner à un total échange mutuel au cours duquel vous partagez quelque chose dans lequel l’essentiel se produit, et vous n’avez pas besoin de placer une étiquette dessus. Il n’y a pas d’idée du style : « Je tire ma satisfaction de ceci ou de cela ; je suis content parce qu’il se passe ceci ; mon monde est en paix parce que... » Ce type de pensée n’a pas de sens pour moi. Que faites-vous pour ça ? Combien de temps faut-il pour trouver la paix ? La tâche suivante demandera plus de travail. C’est un état d’échange mutuel équilibré. Si on pouvait vraiment le faire, il n’y aurait de temps pour rien d’autre si ce n’est faire ce que vous faites, confortablement, sans même penser au mot « confort. »
Au début, nous avons tous besoin de nous accrocher à quelque chose. Le traitement à besoin d’une structure. Mais à la fin, il n’y a rien à quoi s’accrocher. Il y a un but, mais un but ainsi conçu qu’il importe peu qu’il soit ou ne soit pas.

La pratique de la médecine est une expérience d’humilité. Vous êtes humble lorsque que vous avez un cas et que vous vous heurtez à un mur. Combien de patients ont tourné de praticiens en praticiens, fréquenté de multiples cliniques pour échouer chez vous en disant : « On m’a dit qu’il fallait absolument que je vous voie. Me. Machin ou M. Truc m’ont dit à quel point vous les avez aidés. » ? À ce moment vous réalisez quel monstre vous vous êtes attiré.

Beaucoup de patients viennent avec des problèmes que personne ne comprend vraiment. Certains patients surévaluent leur problème, d’autres le minimisent. Mais si vous restez à l’écoute de votre Partenaire Silencieux et du leur, même simplement au moment de leur parler, vous pouvez sentir leurs problèmes. Vous pouvez sentir les couches de saleté et autres choses jusqu’à 15 mètres de profondeur. Voilà une expérience qui vous rend humble. Le seul problème, c’est de devenir fier d’être humble, ce qui, automatiquement, amène un autre bloc de choses à traiter – donc, oubliez-le. Votre travail consiste seulement à rentrer là-dedans, à commencer à déblayer des briques afin de découvrir où est le problème, parce que la plupart sont recouvertes de tant de gravats qu’elles ont oublié où elles sont enfouies. Il suffit de commencer à déblayer les briques.


Dans la pratique, 99% des cas que vous recevez souffrent de trucs ordinaires, ce qui vous fait dire : « Pourquoi dois-je m’occuper de ça ? » Ce sont des plaintes du genre : « Je me suis tordu le petit doigt » ; « j’ai mal à la nuque » ; « Ma fille a une amygdale un peu rouge. » Voilà le genre de truc ordinaire qui constitue la pratique courante et qui vous rend indolent, disant : « Voyons ça rapidement. Maintenant, au-revoir. » Mais en travaillant ainsi, vous allez seulement vous prouver que vous pouvez être indolent. Il faut que vous vous mettiez en contact avec votre Partenaire Silencieux, que vous vous abandonniez à lui et au leur. Donnez-lui cette petite attention supplémentaire. Peut-être ça ne prendra que quelques minutes pour vraiment le contacter, pour réellement le percevoir, pour entendre réellement ce qu’ils essaient de vous dire à travers lui.
Que faites-vous ? Vous n’allez pas devenir psychologue. Et pourtant, automatiquement, vous déchargez ce qui se trouve là. Vous déchargez une partie des saletés qui ont permis au problème d’exister là. Le service que vous donnez vient du dedans, même lorsque la plainte du patient est mineure. Et le faire heure après heure, de manière continue demande beaucoup de travail. Cela demande beaucoup d’efforts conscients, pendant un certain temps, jusqu’à ce que ça devienne une habitude. Non, ce n’est jamais complètement une habitude. Vous en arrivez seulement à un point où il vous faut moins de temps pour vous rappeler de le faire.

Une pratique courante, même la mienne, n’a rien d’enthousiasmant ; pourtant j’attire probablement à moi plus de cas étranges que n’importe qui en ville. Je pense qu’il est important de se sentir aussi responsable pour les cas mineurs qui viennent vous voir que pour ceux qui éveillent réellement votre intérêt. Mais c’est difficile à maintenir continuellement, et il y a des jours plus difficiles où cela semble impossible. Nous avons tous nos hauts et nos bas. Ne dramatisons pas, toute pratique comporte son lot de satisfaction parce qu’il y a tellement de gens différents, que cela entretient l’intérêt.

Ce dont nous parlons ici n’est pas spécifique au monde des médecins. Les règles sont les mêmes partout. Lorsque j’étais au Michigan, je côtoyais un amis ingénieur qui avait 30 ingénieurs sous ses ordres au sein de son entreprise. Il eut une attaque cardiaque et j’allais le traiter chez lui. En réfléchissant à son travail, il se rendit compte qu’il avait, au sommet, trois ingénieurs vraiment excellents. Il savait que s’il mourait, grâce à eux, son travail se poursuivrait comme avant. Puis, au milieu, il y avait un groupe d’ingénieurs simplement bons et, à la base, il semblait y en avoir trois qui n’étaient pas bons. Le point important, c’est que si vous voulez jouer un jeu et vous trouver dans les premiers 10%, vous devez fonctionner en utilisant toutes vos aptitudes ; il en faut simplement plus pour le faire. Et peu importe le jeu que vous considérez.
En tant que médecins, nous passons quatre années de notre vie à la poursuite d’un parchemin, du plus bel effet une fois accroché au mur. Alors, nous sommes libres de pratiquer égoïstement et de gagner des millions de dollars : « Voilà le Dr Brown dans sa nouvelle voiture de sport. » Est-ce vraiment satisfaisant ? Très médiocre à mes yeux – je ne m’y intéresse pas du tout. J’ai utilisé la formation médicale et le parchemin obtenu, comme excuse me permettant de pratiquer de la manière que j’ai choisie. Le truc, c’est que la médecine, aussi bien que n’importe quelle profession honorée, c’est seulement la possibilité de travailler. C’est tout ce que c’est.


Voici un cas bizarre, intéressant, pour montrer combien ridicule peut être un médecin. Lorsque je pratiquais au Michigan, arriva un jeune homme atteint de grave psoriasis fibreux bilatéral. Il ne pouvait s’étendre complètement et souffrait beaucoup. Il fallut presque que je le porte sur la table et ses genoux restaient obstinément fléchis. À cette époque, je travaillais beaucoup ; je ne pratiquais pas du tout comme aujourd’hui. Je suivis ce type, Joe, trois fois par semaine, pendant deux mois et demi et, à la fin de cette période, lorsqu’il venait au cabinet et s’installait sur la table, tout semblait pareil. Il me dit qu’il devait quitter la ville, ce qui nous obligeait à nous séparer. J’étais heureux d’être débarrassé de lui ; j’étais fatigué de le voir.

Quelques temps plus tard, un nouveau patient vint au cabinet avec de l’arthrite et une douzaine d’autres symptômes. Il me dit avoir été envoyé par Joe qui lui avait dit que je pouvais régler son problème en un traitement. Quelques mois plus tard, un autre type arriva, affligé de tout ce que disent les livres. Il n’était là qu’une semaine, mais c’était suffisant parce que Joe lui avait dit qu’il serait guéri en une séance. Finalement, un an plus tard, je revis Joe. C’était un grand gaillard costaud qui se tenait droit comme un i. Il dit : « Je dois vous dire, j’étais en Floride depuis même pas trois semaines que je pouvais m’étirer, faire tout ce que je voulais. J’ai pris 20 kg et je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie. Avez-vous vu les gens que je vous ai envoyés ? Je répondis : « Joe, vous rappelez-vous combien de temps a duré votre traitement ? » « Ouais, » dit-il, « ça a duré vraiment très peu de temps. » « Peut-être que pour vous ça na pas pris beaucoup de temps, mais ça m’a tout de même demandé deux mois et demi de dur labeur ! »

Cela montre que le temps n’est pas le temps. Joe n’avait pas le souvenir du temps que ça avait demandé. C’est parti en même temps que partait l’énergie qui provoquait le problème.


Question : Y a-t-il de mauvaises voies une fois que l’on a commencé ?
Il y en a plein. Les résultats que vous obtenez démontrent ce fait ; vous n’obtenez pas toujours les résultats que vous auriez souhaité. Cela vous indique qu’il faut changer de vitesse. Si je m’étais contenté de traiter seulement la jambe de l’homme au fémur broyé, sans prêter attention à la moelle épinière, j’aurais pu traiter cette jambe pendant cinq ans et faire qu’il se sente un peu mieux, mais j’aurais travaillé bien en dehors de la zone qui contrôlait la situation.

Il me fallait connaître suffisamment d’anatomie et de physiologie pour remonter là où le problème prenait ses ordres, ce qui créait un effet plus bas sur la jambe. Dans ce cas, on ne peut pas dire qu’une chose causait l’autre, l’ensemble était le problème. Il me faut connaître suffisamment d’anatomie et de physiologie pour remonter aux centres contrôlant les tissus périphériques se trouvant sous leur influence. Vous pouvez vous occuper des tissus périphériques – le patient insiste toujours pour que vous posiez les mains sur la région dont il se plaint – mais c’est seulement votre point de référence. Il vous faut partir de cette région périphérique et remonter jusqu’au point qui peut avoir le plus d’influence sur elle. Les patients se plaignent de la région blessée, mais dans ce cas, la condition influençant vraiment cette plainte est le mécanisme dans son ensemble, même s’il s’observe dans une jambe.

Si vous obtenez de mauvais résultats, ce peut être parce que vous n’êtes pas remonté aux centres les plus importants ou bien à cause de la stupidité des patients qui, une fois retournés chez eux, perturbent votre traitement. Cela arrive bien souvent, c’est habituel. Mais ce n’est pas votre problème. Ils ne mangent pas correctement, c’est leur week-end de beuverie, ils s’engagent dans une nouvelle querelle avec leur conjoint, et ainsi de suite. Ainsi, ils gaspillent leurs ressources dans quelque autre domaine et lorsqu’ils reviennent,  la région est à nouveau en déroute, mais, en général, pas si méchamment, au regard de ce qu’ils ont fait ou n’ont pas fait.


[1]  En anglais : « one-on-one basis » : désigne une communication directe et bi-directionnelle individuelle entre deux terminaux (N.d.T.).
[2] Voir à ce propos l’affirmation de Still : « Rappelez-vous ceci : un cheval qui cherche sans cesse les imperfections ne trouve jamais une route unie. » (Philosophie de l’ostéopathie, 2003, p. 241. A rapprocher de cette autre affirmation de Still : « Trouver la santé devrait être l’objectif du docteur. N’importe qui peut trouver la maladie. » Philosophie de l’ostéopathie, 2003, p. 35 (N.d.T.).
[3] L'immobilité centre le mouvement (N.d.T.).