J'ai commencé ma formation à l'ostéopathie en 1971, mais je n'ai véritablement rencontré Still que dans la seconde moitié des années 1990, grâce à la lecture (ou plus exactement aux tentatives de lecture), puis à la traduction d'Autobiographie et de Philosophie de l'ostéopathie.
Cette rencontre, fut pour moi un véritable choc. D'après ce que j'avais entendu (et retenu) de ce qu'on m'avait dit de Still, je m'attendais à m'ennuyer ferme à la lecture d'idées et de thèses largement dépassées. Or, même si, je le reconnais volontiers, ses écrits sont marqués par l'âge, difficiles à lire (parce qu'écrits par un homme qui n'était sans doute pas un grand lettré), il émane d'eux un souffle extraordinaire, l'esprit de l'ostéopathie tel que Still la concevait, la vivait et voulait la transmettre.
Et en même temps que je découvrais cela, j'ai compris que depuis le début du développement de l'ostéopathie en France, nous étions coupés de ces racines et que nous recevions et transmettions une ostéopathie « sans souffle. »
Cela s'est trouvé considérablement aggravé par la soif de reconnaissance qui a poussé les ostéopathes à chercher à faire « scientifique » pour tenter de se concilier les bonnes grâces des détenteurs du pouvoir de reconnaissance et à tenter de réduire le plus possible les autres aspects (pourtant essentiels) de l'ostéopathie et notamment les aspects philosophiques, pour ne pas dire spirituels (je ne dis pas religieux, je dis bien spirituel, ce qui est très différent).
Dès lors, j'ai désiré ardemment aider ceux qui le désiraient (cela ne saurait s'imposer) à rétablir ce lien à leur source. C'est ce qui a motivé mon engagement à l'Académie d'Ostéopathie de France en 1998, la traduction des textes de Still, la création de la revue Apostill, dont les six premiers numéros furent consacrés au renouement de ce lien.
Malheureusement, le peu d'intérêt et de soutien rencontrés pour ce projet auprès des instances dirigeantes, m'a poussé à quitter ces fonctions et à poursuivre selon mes moyens l'idée qui m'est chère. C'est aussi un des objectifs majeurs de ce site Internet : aider à renouer avec nos sources.
Encombrants
Ce n’est pas gage de bonne santé que d’être bien intégré
dans une société profondément malade.
Krishnamurti
Le jour où les éboueurs prennent tout ce que ne peut contenir la poubelle standard, et que l’on a déposé sur le trottoir pour s’en débarrasser, s’appelle chez nous jour « des encombrants. » 1 Qu’est-ce qui justifie l’association des encombrants et de l’ostéopathie ? Eh bien, Cher Lecteur, c’est que les ostéopathes, eux aussi, ont leurs encombrants. Je veux parler de Still, Sutherland et dans une moindre mesure, Littlejohn et quelques autres. Et pourquoi, grand Dieu, Still et Sutherland sont-ils devenus des encombrants ? Les raisons en sont sans doute diverses, mais toutes concourent à faire que nous ne désirons plus aujourd’hui ni nous recommander d’eux, ni les exhiber. Pendant longtemps, nos Anciens ne nous ont pas embêtés : ils étaient inaccessibles. Leurs livres étaient difficiles à trouver, et de surcroît écrits en anglais. On les utilisait pour les besoins de la cause du moment, notamment en les citant. Citations en général tirées des premières pages, souvent altérées et quasiment jamais référencées, ou bien tirées de textes d’autres auteurs américains… On pouvait ainsi leur faire dire à peu près ce qu’on voulait. Ils étaient utiles et ne nous gênaient pas. Le rêve.