Scrupules
Pousser la logique de la matière vivante donc consciente m'a, en revanche, conduit dans des voies que je n'aurais pas imaginées, ravivant les scrupules que j'évoquais au début du livre 1 quant à la divulgation de ce que je vivais. Mais la dynamique lancée par la publication du livre 1 ne m'a pas laissé longtemps dans l'expectative. C'est encore le Time binding de Korzybski [7], qui m'a fait passer à l'acte. Il s'agit de la capacité potentielle de chaque génération humaine à commencer (approximativement) là où s’est arrêtée la génération précédente. Elle permet à nos enfants de ne pas avoir à réinventer le feu, la roue, l’eau chaude, les ordinateurs, etc. Mais elle suppose que l'information soit transmise. Ne pas transmettre, c’est interrompre une chaîne, empêcher, ou en tout cas ralentir, un processus évolutif de toute manière inéluctable. D'ailleurs, sans le nommer, Still concevait, lui aussi, le Time binding : « En livrant ces quelques pensées sur notre conception de la vie, nous espérons que l’ostéopathe s’emparera de la question pour pousser plus avant vers la grande source de connaissance, et appliquer ce qui en résultera au soulagement et au confort de l’affligé venant le consulter pour conseil et avis. » (Still, 2003, 168).
Transmettre par l'écrit, enfin, m'apparaît comme un des moyens de transmission les plus fiables. Puisque à chaque transmission se produit une altération, l'écrit offre une source unique et stable (un fulcrum) à laquelle se référer. Ne pouvant empêcher chacun d’altérer l’information qu'il reçoit, il m'apparaît indispensable de fournir un matériau écrit présentant le plus clairement possible ce que je désire exprimer et auquel se référer en cas de doute ou d’incertitude. Je ne puis faire plus, sinon me taire. Mais, ne rien dire laisse une information non transmise et ne donne pas la chance à celui qui voudrait s’en servir de le faire. Je crois que même si elle dérange, faire circuler l’information vaut mieux que la retenir. La vie m’enseigne tous les jours que la rétention de l’information est une source majeure de difficultés.
Restait alors une dernière question : sommes-nous encore dans la dynamique stillienne ? J'ai le sentiment que oui. Certes, Still n'avait pas accès aux auteurs qui ont servi au développement de ce modèle. Mais ses intuitions les rencontrent sans cesse. Je me sens donc dans la continuité de ce qu'il a proposé.