Qu’est-ce qu’être ostéopathe ? - Un certain A. T. Still

Index de l'article

Un certain Andrew Taylor Still

Still ? Je veux parler d’Andrew Taylor Still (1828-1917), cet étrange personnage dont on ne parle quasiment plus aujourd’hui et qui a fondé l’ostéopathie il y a quelque 150 ans, aux USA. En relisant ses textes et notamment Philosophie de l’ostéopathie et Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie, nous nous apercevons rapidement qu’il n’a pas cherché à nous montrer comment faire l’ostéopathe, mais bien comment être ostéopathe. Cela veut dire qu’être ostéopathe, ce n’est pas fondamentalement une question d’agissements (faire), mais une question de philosophie (être). D’ailleurs, pour cette raison probablement, Still a peu décrit de techniques, insistant beaucoup plus sur l’attitude et le raisonnement du praticien ostéopathe.

Ainsi, ce qui caractérise un ostéopathe, ce n’est pas la ou les techniques qu’il pratique, mais le respect des fondements philosophiques de l’ostéopathie. D’ailleurs, la principale originalité de l’ostéopathie par rapport à d’autres approches, notamment médicales, c’est justement de s’appuyer sur une philosophie.

Quelle signification donner au mot philosophie ? Disons qu’il s’agit là d’une conception générale, une vision du monde, un ensemble de principes guides. La philosophie ostéopathique tient essentiellement à la manière dont nous considérons l’humain. Sur ces questions, Still est très clair :

« […] et après toutes ces explications, nous devons décider que l’homme, lorsqu’il est complet, est trin.
En premier, le corps matériel, en second, l’être spirituel, en troisième, un être de raison de loin supérieur à tous les mouvements vitaux et aux formes matérielles, dont le devoir est de diriger sagement ce grand mécanisme de vie. » (Still, 2009, 39).

Cette affirmation rejoint un des concepts philosophiques clés de l’ostéopathie qui est la globalité. Ce mot, autrement exprimé par holisme, nous pousse à considérer l’être humain comme un ensemble insécable. Mais où s’arrête cette globalité ? S’agit-il d’une simple globalité physique dans laquelle on reconnaît que dans un corps humain, le tout vaut plus que la somme des parties, que la moindre chose vécue par une partie retentit sur l’ensemble, ce qui pousse à étudier les relations entre les parties et à sortir du concept de spécialisation typique de la médecine actuelle ? Disons que nous avons là un début de globalité et que par rapport à l’approche médicale actuelle, ce concept constitue déjà un grand pas en avant, voire une révolution.

Mais la globalité s’arrête-t-elle au corps physique ? Pour Still, à l’évidence, un être humain est plus qu’un corps. Il est aussi un mental [en anglais mind] et sans doute aussi un être de nature spirituelle [en anglais, spirit].

Or, pour des raisons de reconnaissance, l’enseignement actuel de l’ostéopathie s’est engagé dans la voie médicale, aujourd’hui résolument matérialiste : l’être humain est un corps physique. Au mieux accepte-t-on qu’il ait un mental et que certaines maladies puissent y être reliées. De plus, même au niveau corporel, la médecine est en perpétuelle rupture de globalité.

Cela retentit forcément sur la manière dont sont aujourd’hui formés les ostéopathes, on voit bien que l’accent n’est pas mis sur l’aspect philosophique, mais sur la pratique technique. Les jeunes diplômés sont donc pour la plupart des « faiseurs » d’ostéopathie, mais pas de véritables ostéopathes : ils ne vivent pas la philosophie ostéopathique, ils pratiquent des techniques d’ostéopathie.